Autorisé depuis 2004, le recours au vote électronique lors des élections professionnelles se développe particulièrement depuis la loi travail du 8 août 2016 qui a autorisé l’employeur à le mettre en place unilatéralement dès lors qu’un accord en ce sens n’a pu être conclu.
Simple et moins chronophage que l’organisation « traditionnelle » d’élections, cette modalité de vote est largement appréciée des employeurs et régulièrement aussi adoptée par les syndicats.
Un récent arrêt de la Cour de Cassation retient l’attention quant à la sécurisation de ce mode d’organisation.
En effet, le 3 octobre 2017 s’est tenu le premier tour des élections professionnelles au sein de la chaîne de restauration rapide Flunch. A cette occasion, deux salariées ont remis leurs codes à la candidate pour laquelle elles souhaitaient voter afin que celle-ci vote à leur place. Le respect de la volonté de ces deux électrices ne pose pas question dès lors que la candidate concernée a vraisemblablement bien voté pour elle-même. Le faible nombre de votes concernés (2) n’était pas non plus de nature à remettre en cause les résultats des élections : la candidate concernée aurait également été élue sans ces deux voix.
Pourtant, l’employeur, qui a contesté le résultat des élections, a obtenu gain de cause devant la Cour de cassation. Celle-ci a en effet estimé que « le recours au vote électronique pour les élections professionnelles […] ne permet pas de déroger aux principes généraux du droit électoral » et énoncé que « l’exercice personnel du droit de vote constitue un principe général du droit électoral auquel seul le législateur peut déroger » (Cass. Soc., 3 octobre 2018, n° 17-29.022).
En clair, le vote par substitution est donc non seulement prohibé, mais il est de nature à remettre en cause l’entièreté du scrutin concerné.
Si cette décision est conforme à la position traditionnelle de la Cour de cassation interdisant le recours au vote par procuration pour les élections professionnelles (Cass. soc. 21 juillet 1981, n° 81-60.568), elle peut sembler étonnante dans la mesure où la Cour de cassation avait jusqu’à présent plutôt semblé favorable au vote électronique.
En matière sociale, en retenant le principe général du vote électronique le caractère personnel de ce vote, elle autorise désormais les Tribunaux d’Instance saisis de cette problématique à annuler les scrutins sans avoir à vérifier si les votes litigieux ont pu avoir un impact sur le résultat de l’élection. Dès lors qu’il est démontré qu’un seul salarié a remis ses codes à un collègue, cette seule constatation permettrait ainsi à l’employeur, et/ou aux syndicats, de faire annuler le scrutin dont l’issue ne convient pas.
Cette décision doit être sérieusement prise en compte.
En effet, dans la pratique, il est fréquent qu’un salarié remette ses codes à un collègue sans pour autant avoir le sentiment de ne pas respecter les règles électorales, voire de frauder : salarié âgé peu à l’aise avec la manipulation d’un ordinateur, salarié absent le jour du scrutin et qui ne souhaite pas voter depuis son téléphone, mais aussi syndicats proposant de récupérer les courriers de remise des codes des salariés pour les délester de cette charge…
Cet arrêt invite donc les employeurs à la plus grande prudence afin de faciliter l’accès au site de vote par les électeurs (scrutins étalés sur plusieurs jours, ordinateurs à libre disposition, remise de notices d’utilisation simples et claires..) mais également à choisir avec le plus grand soin son prestataire de vote électronique.
En effet, il peut être craint à terme que le simple envoi d’un identifiant et d’un code par mail ou par courrier ne soit pas suffisant pour garantir que le vote a été réalisé personnellement. Il conviendrait donc de privilégier, lors du choix du prestataire de vote électronique, ceux d’entre eux qui offrent des techniques performantes pour sécuriser le vote personnel et empêcher le vote groupé.