L’Organisation Internationale du Travail, dans son rapport du 8 mars dernier, constatait un écart de rémunération de 20% entre femmes et hommes au niveau mondial.
Frans Timmermans, premier Vice-Président de la Commission Européenne, à l’occasion de la publication du dernier rapport sur l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’Union Européenne, regrettait des progrès « à une allure d’escargot ». Les salaires des femmes dans l’UE sont en moyenne inférieurs de 16 % à ceux des hommes ; les écarts en matière de retraite sont encore plus importants (38% environ) dus aux interruptions de carrière pour maternité et à la proportion des femmes à temps partiel !
Et la France ne peut se targuer d’être meilleure que ses voisins européens en matière d’égalité professionnelle.
Ce ne sont pourtant pas les textes qui manquent depuis qu’en 1946 a été inscrit dans la Constitution le principe selon lequel « La loi garantit à la femme dans tous les domaines des droits égaux à ceux des hommes ».
Las d’édicter des règles qui peinaient à trouver leur application, le législateur a renforcé les mesures ces dix dernières années, en 2006 et 2007 ont été instituées des obligations de moyens (négociation annuelle obligatoire, plans triennaux assortis de critères d’amélioration et de dispositifs de suivi…) avec pour objectif déclaré de « supprimer dans un délai de cinq années les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes ».
La loi du 14 août 2014 « pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes » renforçait les obligations de moyens mais portait, dans son titre même, l’aveu de l’échec des réformes antérieures qui s’est, pour l’essentiel, confirmé.
La loi n°2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel franchit une étape supplémentaire en imposant aux entreprises une obligation de résultat en matière d’égalité.
Ce nouveau niveau d’exigence, se traduit ainsi par l’obligation, pour les entreprises (ou les unités économiques et sociales), de publier chaque année sur leur site internet (à défaut selon d’autres modalités) le résultat du nombre de points obtenu sur la base des critères schématiquement résumés ci-après :
Nbre de points maximum | ||
Indicateurs | Entreprises ou UES de + de 250 salariés | Entreprises ou UES de + 50 à 250 salariés |
L’écart de rémunération entre les femmes et les hommes | 40 | 40 |
L’écart de taux d’augmentations individuelles (hors promotions) entre les femmes et les hommes | 20 | 35 |
L’écart de taux de promotions entre les femmes et les hommes | 15 | NA |
Pourcentage de salariées ayant bénéficié d’une augmentation à leur retour de congé de maternité | 15 | 15 |
Nombre de salariés du sexe sous-représenté parmi les dix salariés ayant perçu les plus hautes rémunérations | 10 | 10 |
Le décret n°2019-15 du 8 janvier 2019 associe, à chacun de ces indicateurs, une grille de points selon l’ampleur des écarts constatés et les catégories de salariés retenues pour assurer les comparaisons.
Cette technique impose une réflexion sur les choix et équilibres des arbitrages, parfois très délicats. Se mettra en place une véritable stratégie pour l’égalité.
La sanction est loin d’être anodine : une pénalité financière d’1% de la masse salariale !
Il ne faudra pas compter sur l’inertie des pouvoirs publics. Le 10 avril dernier la DGT a présenté « les priorités 2019 du système d’inspection du travail ». Parmi les 9 priorités adoptées figure celle visant à multiplier les contrôles en matière d’égalité professionnelle.
A cela s’ajoute le fait que les employeurs qui obtiendraient le score de 75 points minimum ne sont pas pour autant à l’abri de toute contestation en discrimination. A ce propos :
L’objectif recherché par la Loi doit naturellement être salué, mais son efficacité reste à démontrer, le choix des indicateurs et leurs modalités de calcul pouvant se révéler délicats à mettre en œuvre.
Les entreprises de plus de 1000 salariés en première ligne, devant publier leurs résultats au 1er mars 2019, l’ont déjà constaté.
Celles dont l’effectif est compris entre plus de 250 et 1000 salariés seraient dès lors bien inspirées de se mettre en état de satisfaire à leurs obligations pour le 1er septembre prochain, délai extrêmement court compte tenu des obligations éventuelles d’information/consultation des instances de représentation du personnel.
Les entreprises entre plus de 50 et 250 salariés bénéficieront d’un délai supplémentaire jusqu’au 1er mars 2020. Le présent article ne peut prétendre à l’exhaustivité des difficultés que nous avons pu mesurer avec certains de nos clients mais nous souhaitons d’ores et déjà vous sensibiliser sur certains de ces aspects.
Les catégories de salariés
Ainsi, l’annexe I du décret n°2019-15 du 8 janvier 2019 précise que, pour déterminer l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes, les salariés peuvent être répartis entre les quatre catégories socioprofessionnelles (ouvriers, employés, techniciens et agents de maîtrises, ingénieurs et cadres). Or, au sein d’une même catégorie, des métiers très différents peuvent coexister assortis de potentiels de rémunération disparates. L’employeur peut opter, après avis du Comité Social et Economique, pour une répartition par niveau ou coefficient hiérarchique en application de la classification de branche ou d’une autre méthode de cotation des postes, à la condition que la cotation n’aboutisse pas à une répartition des effectifs par métier.
A titre d’exemple, le dernier rapport de l’APEC sur « les salaires dans les fonctions cadres – Édition 2018 » distingue 43 fonctions de cadre. Pour ne viser que les postes de Directeurs ou Directrices (hors mandat de Directeur Général) répertoriés dans ce rapport et la médiane de rémunération des salariés en poste, le tableau de synthèse se présente ainsi :
Deux constats peuvent être opérés :
Ceci illustre la difficulté, si l’on n’y prend garde, d’utiliser des indicateurs sur des catégories se révélant inadaptées.
En outre, le positionnement des salariés dépend parfois du taux de féminisation ou de masculinisation des emplois qui est la résultante, rappelons-le, de choix opérés dès les filières de formation initiale (collège, université, …), qui se répercute dès le recrutement.
La Dares, dans son rapport sur « la répartition des hommes et des femmes par métiers » relevait à ce propos que pour parvenir à une totale mixité des métiers (les métiers étant considérés comme mixtes dès lors que l’écart entre le nombre de femmes et d’hommes les occupant est inférieur à 15%) « un peu plus de la moitié des femmes ou des hommes devraient changer de métier » ce qui, à l’évidence, nécessitera plus de temps que la période de 3 ans durant laquelle les indicateurs actuels seront suivis.
Les entreprises sont confrontées à leurs responsabilités en matière de lutte contre les stéréotypes qui contribuent, fut-ce pour partie, au déficit de mixité de certains métiers. Quelques sociétés ont dès lors déployé des politiques de sensibilisation en milieu scolaire ainsi que des processus d’embauche, de formation interne ou de promotion visant à favoriser cette mixité.
Les éléments de rémunération à prendre en considération
Les éléments de rémunération à prendre en considération sont censés permettre une fiabilité des bases de comparaison. Cela n’est parfois pas évident. A titre d’exemples indicatifs :
La présence des femmes dans les 10 plus hautes rémunérations
Cette mesure traite des plus hautes rémunérations selon le nombre de femmes ou d’hommes « sous représentés ». Cela implique une réflexion et une vigilance pour cet indicateur. Les entreprises volontaristes développent une politique pour la promotion des femmes permettant d’accéder à cet indicateur.
L’augmentation de la rémunération des femmes au retour de congé maternité
Une omission peut viser une seule salariée (quel que soit l’effectif de l’entreprise ou de l’UES), lorsque des augmentations collectives ou individuelles sont intervenues pendant la durée de son congé maternité ; cet oubli fait perdre à l’entreprise la totalité des 15 points affectés à cet indicateur.
Au regard de l’ensemble de ce qui précède, qui ne concerne que quelques exemples, l’index égalité entre les femmes et les hommes implique à la fois une vision globale et un traitement individuel. Ainsi :
La Garanderie Avocats propose un accompagnement sur mesure afin d’anticiper la publication de l’index égalité femmes-hommes et sa gestion dans le temps.
Une session de formation d’une durée de 3 heures, animée par Alice Delamarre et Guy Alfosea est aussi proposée au sein du cabinet aux dates et heures suivantes :