En application de l’article L. 1153-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit « subir des faits » de harcèlement sexuel ou assimilés au harcèlement sexuel définis comme « des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à [l]a dignité [du salarié] en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ».
A la lecture de cet article se pose la question du consentement de la victime : doit-elle s’être vu imposer cette situation de harcèlement ? A-t-elle manifesté son désaccord ?
C’est ce à quoi vient de répondre la chambre sociale de la Cour de cassation en estimant que le consentement de la prétendue victime exclut la qualification de harcèlement sexuel. Elle a en effet estimé que « l’attitude ambiguë [d’une salariée] qui avait ainsi volontairement participé à un jeu de séduction réciproque excluait que les faits reprochés au salarié puissent être qualifiés de harcèlement sexuel » (Cass. soc., 25 sept. 2019, n° 17-31.171).
En l’espèce, l’employeur avait licencié pour faute grave en raison d’une pratique de harcèlement sexuel un salarié qui avait adressé de nombreux SMS à connotation sexuelle voire pornographique à une subordonnée.
La Cour d’Appel de Versailles saisie du dossier avait exclu la qualification de harcèlement sexuel en relevant que la salariée concernée avait :
La Cour de cassation confirme ce raisonnement mais estime que, si ce comportement ne constitue pas un harcèlement sexuel, il caractérise en revanche une faute du collaborateur dans la mesure où il avait perdu toute autorité et toute crédibilité dans l’exercice de sa fonction de direction en adressant ainsi à une salariée, dont il avait fait la connaissance sur son lieu de travail et dont il était le supérieur hiérarchique, depuis son téléphone professionnel, de manière répétée et pendant deux ans, des SMS au contenu déplacé. Pour la Cour, ce comportement est donc incompatible avec ses responsabilités et constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.
La question peut dès lors se poser de l’attitude à adopter par l’employeur en pareille circonstance. Il arrive en effet régulièrement que deux salariés flirtent de manière poussée, sans qu’il soit toujours aisé pour l’employeur de savoir si les deux protagonistes ont manifesté le même niveau de consentement. En outre, dans le cas où ce flirt reste confidentiel et n’a pas d’impact sur le travail ou l’exercice de leurs responsabilités par les collaborateurs, l’employeur qui, rappelons-le, verra sa propre responsabilité engagée si le harcèlement sexuel est reconnu à l’égard de la victime, est-il tenu de prendre une quelconque mesure pour mettre un terme à la situation ?
Il ne semble pas possible en France, comme c’est souvent le cas dans certains pays anglo-saxons, d’interdire toute relation personnelle entre les collaborateurs au risque de ne pas respecter le droit à la vie privée dont doit jouir chaque salarié.
Pour autant, ni la loi ni la jurisprudence ne fixent un formalisme permettant à la victime de faire connaître de façon expresse et explicite à l’auteur des faits qu’elle n’était pas consentante et le consentement réel ou supposé résulte souvent d’un faisceau d’indices confus, qui peuvent d’ailleurs évoluer dans le temps, le consentement pouvant cesser à tout moment.
Comme en matière de harcèlement moral, on ne saurait donc trop conseiller à l’employeur de prévoir avant l’existence d’une telle situation, une procédure d’alerte et d’enquête objective, impliquant les représentants du personnel et le référent harcèlement sexuel le cas échéant, lui permettant d’identifier et de réagir rapidement pour connaitre la réalité de la situation et prendre les mesures adaptées.
A cet égard, une pratique s’est développée : l’appel à un tiers de confiance extérieur à l’entreprise, sans lien avec l’employeur, les représentants du personnel ni, bien entendu, les parties concernées afin d’avoir l’indépendance, le recul et l’écoute nécessaire pour établir un rapport aussi objectif que possible. De nombreuses entreprises ont notamment fait appel à des avocats (regroupés à l’Institut des Avocats Experts de Confiance) pour procéder à ces enquêtes sur les cas de harcèlement sexuel ou moral.