# Santé
Revirement de jurisprudence: la réparation du préjudice d’anxiété désormais ouverte à tous les salariés exposés à l’amiante

Dans un premier temps, la Chambre sociale de la Cour de cassation a souhaité limiter la possibilité d’indemnisation du préjudice d’anxiété aux seuls salariés ayant travaillé dans un établissement figurant sur une liste ouvrant droit à une « préretraite amiante » (ACAATA) et refusé toute réparation aux salariés exposés dans un établissement n’ouvrant pas droit à ce dispositif (lire notre article : « Préjudice d’anxiété: cassation sociale 11 janvier 2017, un point final ? » http://www.lagaranderie.fr/?p=977).

Par un arrêt du 29 mars 2018, la Cour d’Appel de Paris s’est élevée contre cette jurisprudence en permettant à des salariés d’EDF, entreprise non classée comme ouvrant droit à l’ACAATA, de demander réparation de leur préjudice d’anxiété sur le fondement de l’obligation de sécurité de l’employeur.

Un pourvoi ayant été formé, les magistrats de la chambre sociale ont souhaité réévaluer leur jurisprudence en saisissant le premier président de la Cour afin que l’Assemblée plénière se prononce.

Opérant un revirement de jurisprudence, l’Assemblée Plénière a jugé dans un arrêt du 5 avril 2019 (n°18-17.442) :

« () quil apparaît toutefois, à travers le développement de ce contentieux, que de nombreux salariés, qui ne remplissent pas les conditions prévues par l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée ou dont l’employeur n’est pas inscrit sur la liste fixée par arrêté ministériel, ont pu être exposés à l’inhalation de poussières d’amiante dans des conditions de nature à compromettre gravement leur santé ;

Que dans ces circonstances, il y a lieu d’admettre, en application des règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, que le salarié qui justifie d’une exposition à l’amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n’aurait pas travaillé dans l’un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée. »

Cette jurisprudence ouvre donc la voie à de nouveaux contentieux.

Soulignons que plusieurs pourvois concernant des produits autres que l’amiante sont en cours et seront prochainement examinés par la chambre sociale.

Comme nous l’avions indiqué dans un précédent article, les juges du fond ont d’ores et déjà admis le principe d’une indemnisation des salariés exposés à des substances cancérigènes sur le fondement du droit commun et cette position devrait, au vu de la position dégagée par l’arrêt du 5 avril 2019, être validée par la Haute Juridiction (lire notre article : « Préjudice d’exposition à des produits nocifs : pas d’indemnisation automatique » http://www.lagaranderie.fr/?p=979).

Le fait générateur de l’anxiété, c’est-à-dire la date à laquelle le salarié a eu connaissance du risque, marquera le point de départ du délai de prescription de l’action.

Sur le fondement du droit commun, le salarié pourra établir par tous moyens la date à laquelle il a eu conscience de cette exposition, à charge pour l’employeur de démontrer, s’il le peut, qu’il faut retenir une date plus ancienne.

Rappelons d’ailleurs que la prévention des risques chimiques doit donner lieu à une information des salariés et des institutions représentatives du personnel.

Ainsi, l’article R.4412-39 du code du travail dispose que :

« L’employeur établit une notice, dénommée notice de poste, pour chaque poste de travail ou situation de travail exposant les travailleurs à des agents chimiques dangereux. Cette notice, actualisée en tant que de besoin, est destinée à informer les travailleurs des risques auxquels leur travail peut les exposer et des dispositions prises pour les éviter. La notice rappelle les règles d’hygiène applicables ainsi que, le cas échéant, les consignes relatives à l’emploi des équipements de protection collective ou individuelle ».

En application de l’article R4412-116, cette notice est transmise pour avis au médecin du travail et cet avis est communiqué au comité social et économique.

La nécessité de pouvoir justifier de la réalité de cette information doit inciter les employeurs à être vigilants quant au respect de ces obligations.

le 11/04/2019

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