# Libertés & Droits Humains
Quand la CNIL s'aventure et sanctionne Amazon Logistique

Le 27 décembre dernier, la CNIL rendait une décision aux termes de laquelle elle sanctionnait la Société Amazon Logistique d'une amende de 32 millions d’euros.

Le géant du commerce en ligne avait effectivement commis plusieurs manquements notamment quant à un contrôle de l’activité de ses salariés que la CNIL a jugé excessif.

Or pour fonder sa décision, elle n’a pas hésité à user de notions voire de dispositions légales propres au droit du travail.

En effet, dans un contexte où elle gère des millions de commandes chaque année, la Société AMAZON LOGISTIQUE avait mis en place plusieurs indicateurs de suivi de l’activité de ses collaborateurs afin de minimiser les risques d’erreurs, de retards et sans cesse améliorer les compétences de ceux-ci ainsi que la synergie dans les équipes.

Pour obtenir ces indicateurs elle collectait un très grand nombre de données et les conservait durant un mois.

Parmi ces nombreux indicateurs, trois ont particulièrement retenu l’attention de la CNIL :

  • Le « Stow Machine Gun » qui envoi un signal d’erreur à chaque fois qu’un salarié scanne deux articles dans un intervalle de temps inférieur à 1,25 secondes ;
  • Le « Idle Time » qui signale toute période d’inactivité d’un scanner de dix minutes et plus ;
  • Le « Temps de latence inférieur à dix minutes » qui signale des périodes d’inactivité d’un scanner de moins de dix minutes ;

Après étude, sur le fondement de l’article 6 du RGPD mais également de l’article L.1121-1 du Code du travail, la formation restreinte de la CNIL les a jugés excessivement intrusifs et donc disproportionnés par rapport au besoin d’Amazon d’assurer un service de qualité en un temps record.

Pour estimer le traitement disproportionné, elle a notamment retenu que pour établir ces indicateurs et remplir la finalité mise en avant par AMAZON, chacune des actions des salariés était surveillée à la seconde près ce qui, selon elle, « est de nature à avoir des répercussions morales négatives sur le salarié » qui ne peut s’attendre à ce que ses actions soient suivies à la seconde près.

Dans le même esprit et sur les mêmes fondements, la CNIL a considéré que ces mêmes indicateurs amènent chaque salarié à potentiellement devoir se justifier de tout temps « considéré comme non productif » ce qui constitue une atteinte disproportionnée à leurs droits fondamentaux, notamment leur droit au respect de la vie privée, leur santé et leur sécurité.

Puis, au-delà du caractère disproportionné de ce traitement, la CNIL a également considéré que la période de conservation des données collectées par Amazon Logistique dans la finalité de former et évaluer les salariés ainsi que de planifier leur travail était excessive au regard, cette fois-ci, du principe de minimisation des données de l’article 5.1 du RGPD.

Selon la CNIL, Amazon Logistique pouvait atteindre les finalités indiquées en agrégeant des statistiques hebdomadaires et sans mettre en place un système qui contrôle en permanence le salarié induisant une certaine pression.

La CNIL n’hésite donc plus à user de notions qui nous sont bien connues pour fonder ses décisions.

Il reste maintenant à savoir si de telles décisions de la CNIL pourraient faire autorité dans le cadre d’un contentieux prud’hommal et donc influencer des jugements.

le 06/03/2024

Articles du même auteur

Organisation & Bien-Être au travail
Changement de lieu de travail post transfert : quel type de licenciement en cas de refus du salarié ?
On distingue traditionnellement la modification d’un élément essentiel du contrat de travail qui nécessite l’accord du salarié, du simple changement des conditions de travail qui, pour sa...
[Lire la suite]
Publié le 29/05/2019
Libertés & Droits Humains
Formation "Le fait religieux en entreprise"
Publié le 10/04/2025
Libertés & Droits Humains
Interprétation du droit européen par la Cour de cassation : la salariée licenciée en état de grossesse a droit à une double indemnisation
Le licenciement intervenu en méconnaissance de la protection liée à la maternité est assurément nul.La question de la sanction afférente à cette nullité, particulièrement dans le cas où la...
[Lire la suite]
Publié le 13/11/2024
Comment les salariés en arrêt pour garde d’enfant basculeront-ils vers l’activité partielle au 1er mai ?
La deuxième Loi de Finances rectificative pour 2020 n° 2020-473 parue au Journal Officiel du 26 avril 2020 stipule qu’à partir du 1er mai, les salariés parents en arrêt de travail pour garde...
[Lire la suite]
Publié le 04/05/2020

Nos experts : Libertés & Droits Humains

...
Louis CRESSENT
...
Gwladys DA SILVA
...
Saskia HENNINGER
...
Elsa BENASSAIA
...
Dominique DE LA GARANDERIE
...
Katia LENERAND

Nos domaine d'Expertise

Dialogue social & relations collectives
Rémunération & Avantage sociaux
Santé

Organisation & bien-être au travail
Libertés & droits humains

Ethique & compliance