# Santé
Pourquoi faut-il prendre au sérieux les arrêts maladie des policiers ?
Tribune parue dans le FIGARO VOX 

L’augmentation du nombre de policiers en arrêt maladie est révélatrice de conditions de travail indignes qui menacent leur santé, alertent les avocats Dominique de La Garanderie et Bertrand Merville.

Le matin du 24 juillet, les médias annonçaient les arrêts de maladie de plusieurs centaines de policiers. Immédiatement, cette maladie collective a été perçue comme une réaction de soutien à un collègue écroué pour violences aggravées. Les policiers ne peuvent être grévistes, ayant l'obligation d'assurer la continuité du service public. Les syndicats appellent par ailleurs à une réduction du travail permettant d'assurer l'essentiel des missions en cas d'appels d'urgence. L'anxiété des policiers serait la cause de ces arrêts maladie, selon les déclarations qui ont été faites, et justifie les certificats médicaux.

Cela a commencé par 300 arrêts de maladie dans la région de Marseille, état contagieux étendu à plusieurs régions. Celui-ci se substituerait donc à une revendication. L'effet de ces arrêts a l'aspect du droit de grève dont la définition donnée par la jurisprudence en droit privé est la «cessation collective et concertée du travail en vue d'appuyer des revendications professionnelles». C'est bien le corps qui est l'objet de ces réactions.

Pour certains peut-être s'agit-il du corps pris au sens de corporatisme, mais en réalité c'est le corps, incarnation de l'état de santé individuelle des policiers, inquiets sur leur sécurité dans l'exercice de leur fonction, qui est concerné. Seuls les médecins en auraient la conscience?

S'exprime ici le besoin de chaque personne dans notre société d'avoir la certitude que tout risque est assuré, que la hiérarchie doit assurer la santé et la sécurité de chacun souvent par délégation de la puissance publique. Il ne fait pas de doute que dans toute entreprise privée une telle multiplication d'arrêts maladie conduirait à mettre en alerte représentants du personnel et direction, alors que le préjudice d'anxiété ouvre un droit à réparation.


Le mouvement actuel dépasse la question de la seule force publique et relève du droit aux conditions de travail adaptées, d'une compréhension des risques, d'une réponse à la pression des conditions de travail difficiles, des sollicitations harassantes qui mettent en péril la santé des individus et la sécurité de tous.

Dans le secteur privé, l'entreprise, tenue par une obligation de sécurité à l'égard de ses salariés, ne pourrait rester indifférente à un tel mouvement, sauf à risquer le développement de contentieux individuels et des condamnations. Quant aux représentants du personnel, à commencer par le CSE, nul doute qu'ils songeraient à mettre en œuvre le droit d'alerte dont ils disposent:

- À commencer par le droit d'alerte, prévu par l’article L.2312-59 du Code du travail, en cas d'atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché;

- Voire, dans une moindre mesure, le droit d'alerte en cas de danger grave et imminent résultant de l’article L.4131-2 du Code du travail.

Dans tous les cas, l'employeur serait appelé, non pas à soutenir, dénoncer ou commenter, mais à mener une enquête destinée à lui permettre de prendre les dispositions nécessaires pour remédier à la situation ainsi que toutes mesures adaptées. Le CSE pourrait aussi désigner un expert au titre d'un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel constaté dans l'établissement (L.2315-94 du Code du travail).

En effet, un tel droit à expertise s'applique par exemple en cas de regroupement d'éléments concordants ou non isolés. Certes le niveau de la sécurité publique est bien différent mais le schéma risque, sécurité des agents, santé de ceux et celles chargés de ces missions est humainement ressenti de la même façon, plus intensément compte tenu des engagements et de l'acceptation des risques par les policiers.

Il est clair que si les policiers consentent à exercer un métier difficile par nature, qui peut parfois les conduire à la mort, aux actes héroïques, la faute professionnelle est sanctionnable et sanctionnée et les sanctions sont en proportion de la faute. Le mouvement actuel dépasse la question de la seule force publique et relève du droit aux conditions de travail adaptées, d'une compréhension des risques, d'une réponse à la pression des conditions de travail difficiles, des sollicitations harassantes qui mettent en péril la santé des individus et la sécurité de tous. Si l'une des vertus de cette crise était de se rappeler qu'au-delà du statut d'agent public, il y a aussi des hommes et des femmes qui ont le droit de bénéficier de considération de la part de ceux qui les protègent et d'un droit à la santé et la sécurité de même nature que dans le secteur privé, à proportion de la mission et du travail?
le 01/08/2023

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