# Organisation & Bien-Être au travail
L’utilisation des réseaux sociaux tout au long de la relation de travail
Les articles 9 du Code civil et 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme placent le droit de chacun au respect de sa vie privée au rang des libertés fondamentales. 
Néanmoins, le développement de l’utilisation des réseaux sociaux et la porosité entre vie privée et vie personnelle qui accompagne la numérisation croissante du monde du travail rendent souvent la frontière assez floue entre ce qui relève du pouvoir de direction de l’employeur et du respect de la vie privée du salarié. 

La Garanderie Avocats fait le point sur les limites qui entourent l’utilisation des réseaux sociaux dans un cadre professionnel. 

Utilisation des réseaux sociaux dans le cadre de la procédure d’embauche 
Le recruteur peut être tenté de mener l’enquête sur le candidat via les données disponibles sur les réseaux sociaux. 
Cette pratique, désormais très répandue, doit être confrontée aux dispositions du Code du travail. En effet, il convient de rappeler que lors d’un entretien d’embauche les informations demandées, doivent avoir pour seul but d’apprécier la capacité du candidat à occuper l’emploi ou ses aptitudes professionnelles. Elles doivent également avoir un lien direct et nécessaire avec l’emploi proposé (article L. 1221-6 du Code du travail). 
Aussi, l’employeur ne pourrait demander confirmation d’informations obtenues grâce aux réseaux, que si celles-ci sont pertinentes au regard des caractéristiques de l’emploi. A titre d’exemple, le réseau LinkedIn peut être utilisé pour prendre connaissance du parcours professionnel du candidat, ou des recommandations dont il peut se prévaloir. 
Un recruteur ne pourra pas rechercher sur les réseaux des éléments tirés de la vie personnelle du salarié et si tant est qu’il en soit informé à travers ses recherches, il devra faire en sorte de ne pas en tenir compte. 
En effet, il convient de rappeler que l’article L.1132-1 du Code du travail relatif à la discrimination, qui vise expressément le « candidat à un emploi » interdit toute discrimination fondée notamment sur les mœurs, les opinions politiques, les activités syndicales ou encore les convictions religieuses. 
Cette disposition prévoit explicitement qu’aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement sur ces motifs. 
Dès lors, un employeur ne peut pas écarter une candidature en raison d’informations relatives aux opinions (engagement politique par exemple) ou au mode de vie, vraies ou supposées, obtenues sur les réseaux sociaux, quels qu’elles soient. 

Pendant la relation de travail 
Il relève du pouvoir de direction de l’employeur de contrôler et d’encadrer l’utilisation par le salarié des moyens informatiques de l’entreprise, ainsi que son temps de travail. 
C’est dans ce cadre qu’une charte informatique peut limiter l’accès au réseau informatique de l’entreprise pour une utilisation personnelle et, d’une manière générale l’accès aux réseaux sociaux. 
En outre, rappelons que l’employeur a accès à l’historique des connexions internet du salarié réalisées avec son ordinateur professionnel et qu’il peut les utiliser pour sanctionner une utilisation excessive ou inappropriée (Cass. Soc. 9 février 2010, n°08-45.253).
Néanmoins, l’employeur doit tolérer un usage modéré et raisonnable de l’utilisation à des fins privées par exemple de l’ordinateur ou du téléphone (Rapport CNIL sur la cybersurveillance sur les lieux de travail du 5 février 2002). 
Rappelons également que l’employeur doit respecter le secret des correspondances y compris lorsque les échanges ont eu lieu sur le compte Facebook du salarié. Il ne peut ainsi pas prendre connaissance du contenu d’un compte Facebook privé, y compris par le biais d’un outil professionnel, tel que le téléphone professionnel d’un collègue par exemple (Cass. Soc. 20 décembre 2017 n°16-19.609). 
Enfin, l’intérêt de l’entreprise doit également se heurter à l’impératif de respect de la vie privée du salarié : un fait tiré de la vie personnelle du collaborateur ne peut jamais, en tant que tel, justifier une sanction disciplinaire. Ce principe s’applique également aux partages par le salarié sur les réseaux sociaux. 
Ainsi, lorsque le salarié tient des propos excessifs, voire injurieux, sur un réseau social, il y a lieu de vérifier dans quel cadre (public ou privé) la publication est intervenue. 

Le compte est public : il est accessible à tous sans restriction particulière (Twitter, blog, forum…). Même dans le cas d’un compte public, ne peuvent être sanctionnés que les propos qui constituent un abus de liberté d’expression. 
La jurisprudence a caractérisé un abus de liberté d’expression de publications considérées comme publiques dans des affaires concernant : 
- Un directeur artistique de l'entreprise ayant publié sur un site accessible à tout public un message comportant des termes déloyaux et malveillants à l'égard de son employeur (Cass. Soc. 11 avr. 2018, n°16-18590) ;
 - Une responsable de magasin qui a posé en faisant des grimaces pour des photos dans la boutique pendant ses heures de travail et les a postées sur un compte ouvert sur les réseaux sociaux Statigram/Instagram avec des commentaires portant atteinte à l’image de la société (CA Paris, 5 févr. 2020, n°18/01331). 

Le compte est privé : Il est accessible aux seules personnes agréées et composé d’un nombre restreint de participants (Facebook, Instagram…) Dans ce cas, les contenus partagés relèvent alors de la vie privée du salarié et ne peuvent pas justifier des mesures disciplinaires. 
C’est ainsi que des propos extrêmement grossiers et dévalorisant tenus sur un groupe fermé Facebook constituent une conversation privée qui ne peut pas justifier le licenciement du collaborateur (Cass. Soc. 12 septembre 2018, n°16-11.690). 
Précisons toutefois qu’au cas particulier, la Cour de cassation a souligné que le groupe en question ne comportait que 14 membres et qu’on pourrait considérer qu’un groupe fermé mais comportant de très nombreux membres perdrait son caractère privé. De même, la Cour d’Appel de Poitiers a invalidé le licenciement pour faute grave d’un salarié de la société Auchan qui avait, à plusieurs reprises, publié sur Facebook des photos de ses déplacements à New York ou à l’Ile de Ré pendant des arrêts maladie (CA Poitiers, 3 octobre 2019, n°18/01241). 
Relevons qu’au cas particulier, la Cour d’Appel ne s’est pas appuyée sur le caractère privé des publications du salarié mais sur le fait que l’employeur ne démontrait pas la réalité des voyages… 
Il existe toutefois deux exceptions à ce principe de liberté des propos tenus sur un compte privé : 
- Lorsqu’ils constituent un manquement à une obligation découlant du contrat de travail. Ainsi, une chef de projet de la marque Petit Bateau ne pouvait pas dévoiler sur son compte Facebook privé une photographie de la nouvelle collection exclusivement présentée aux commerciaux de la société sans manquer à son obligation contractuelle de confidentialité (Cass. Soc. 30 septembre 2020, n°19-12.058). 
- Lorsqu’ils créent un trouble objectif caractérisé à l’entreprise. Chacun se souvient de la récente affaire « le Slip Français » et des conséquences médiatiques que peuvent avoir une soirée privée…. 
Dans le même ordre d’idée, est justifié le licenciement du chef du service Web d’un journal dont il a été publiquement révélé qu’il avait participé à une campagne de cyberharcèlement ayant eu un important retentissement médiatique (CPH Paris, 5 novembre 2020, n°19/08054, affaire « Ligue du    LOL »). 

A l’occasion de la rupture du contrat 
Après le départ du salarié de l’entreprise, celle-ci peut souhaiter l’enjoindre de mettre à jour ses réseaux sociaux professionnels. 
Cette situation est en effet susceptible de mettre en difficulté l’entreprise dans le recrutement d’un remplaçant et de manière générale peut induire en erreur les interlocuteurs extérieurs à l’entreprise. Il n’est donc pas inutile de prévoir dans le contrat de travail une clause relative à la bonne utilisation et à la mise à jour des réseaux professionnels en cas de départ. 
En l’absence d’une telle clause, l’obligation de loyauté qui survit à la rupture du contrat pourra être le fondement à la demande de mise à jour des réseaux par l’employeur. 
Dans le cas où cette demande reste vaine, il faut se référer aux conditions d’utilisations de chaque réseau social et aux procédures internes. 
A cet égard, LinkedIn, réseau professionnel très répandu, impose à ses utilisateurs de ne pas partager  « de contenu d’une façon dont vous savez ou pensez qu’elle pourrait être trompeuse ou inexacte, y compris de fausses informations ou de la désinformation ». 
L’employeur pourrait également saisir les tribunaux judiciaires compétents et démontrer l’existence d’un préjudice particulier notamment relatif à l’image de l’entreprise. 
En France, à notre connaissance, aucune décision n’a encore été rendue sur le sujet. 
Ainsi en l’absence de jurisprudence en la matière, il convient de se doter d’outils de prévention comme des chartes, des guides ou encore des clauses contractuelles spécifiques. 
A minima, il est fortement conseillé d’intégrer au sein de la charte informatique des stipulations spécifiques sur l’utilisation des nouveaux outils de communication que sont les réseaux sociaux. 
Une mention relative à l’obligation d’actualiser ses comptes peut enfin également être utilement portée dans la lettre de licenciement.

Aujourd’hui, force est donc de constater que les réseaux sociaux impactent la relation de travail dans son intégralité et génèrent de multiples questions.
le 09/02/2022

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