# Libertés & Droits Humains
L’action en justice du salarie et la nullité du licenciement prononce postérieurement - Une protection élargie

Ester en justice est une liberté fondamentale.

La Cour de Cassation a déjà sanctionné le licenciement pris à la suite d’une action en justice d’un salarié, retenant la nullité du fait de la violation de cette liberté fondamentale.

Récemment, la Cour de Cassation a eu l’occasion de préciser (1) et d’élargir (2) la protection de la liberté d’ester en justice, dans deux arrêts :

1/

Dans l’affaire qui a donné lieu à un arrêt du 5 décembre 2018 (17-17.687), un salarié avait saisi un conseil de prud’hommes de demandes portant sur une inégalité de traitement et une discrimination.

Deux mois et demi après, il a été licencié pour des motifs d’insuffisance professionnelle.

La lettre de licenciement ne faisait pas mention de l’action en justice engagée par le salarié.

La Cour d’Appel, après avoir jugé que le licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse, et qu’il n’y avait donc pas de motifs d’insuffisance professionnelle, a retenu que le court délai (deux mois et demi) entre la saisine par le salarié et son licenciement, imposait à l’employeur de rapporter la preuve que la décision de licencier était étrangère à l’action en justice.

La Cour de Cassation après un attendu de principe

« est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale le licenciement intervenu en raison d’une action en justice introduite par le salarié, peu important que la demande du salarié soit non fondée »

complète ainsi :

« qu’ayant retenu que le licenciement pour insuffisance professionnelle était dépourvu de cause réelle et sérieuse et constaté qu’il faisait suite au dépôt par le salarié d’une requête devant la juridiction prud’homale (…), la cour d’appel en a exactement déduit, sans méconnaître les règles de preuves, qu’il appartient à l’employeur d’établir que sa décision était justifiée par des éléments étrangers à toute volonté de sanctionner l’exercice, par le salarié, de son droit d’agir ».

Apparait ainsi la notion de licenciement présumé nul, sauf si l’employeur rapporte la preuve que ce licenciement est « étranger à la saisine de la juridiction ». Pour autant, l’analyse de la cause réelle et sérieuse motive ou non le licenciement.

Ainsi, à défaut de cause réelle et sérieuse, le lien entre le licenciement et la saisine de la juridiction est présumé établi sauf preuve contraire.

La Cour de Cassation vérifie que la Cour d’Appel a fait une juste appréciation considérant que ne rapportait pas la preuve qui lui incombe, l’employeur qui se « limitait à soutenir que les griefs invoqués au soutien du licenciement étaient antérieurs à la requête »

« Ce n’est pas l’antériorité qui l’emporte, mais la preuve que les éléments retenus sont étrangers à toute volonté de sanctionner l’exercice par la salariée de son droit d’agir ».

La tâche, pour renverser cette présomption, peut s’avérer particulièrement ardue, voire impossible, pour l’employeur.

2/

Avec l’arrêt rendu le 21 novembre 2018 (Cass.soc, n°17-11.122), la Haute Juridiction sanctionne par la nullité un licenciement en raison de la seule référence, dans la lettre de licenciement, à une menace du salarié d’agir en justice :

« La seule présence dans la lettre de licenciement, fixant les limites du litige, d’une référence à une procédure contentieuse envisagée par le salarié objet du licenciement, est constitutive d’une atteinte à la liberté fondamentale d’ester en justice entraînant à elle seule la nullité de la rupture et rendant inopérant les autres griefs énoncés dans la lettre de licenciement que le je juge n’a alors pas à vérifier ».

L’attendu de principe de la Cour de Cassation en la matière est ainsi complété :

« (…) est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie, le licenciement intervenu en raison d’une action en justice introduite ou susceptible d’être introduite par le salarié à l’encontre de l’employeur (…) »

Ainsi, la liberté fondamentale constitutionnellement garantie du recours à une action en justice, l’emporte sur tout autre motif, après qu’ait été rappelé que la lettre de licenciement délimite le champ d’appréciation qui s’impose au juge.

Cette lettre mentionnait différents comportements reprochés au salarié, mais, dans le même texte, rappelait la menace du salarié d’entamer des procédures judiciaires.

C’est manifestement cette mention, dans la lettre de licenciement, qui l’emporte sur les autres griefs.

L’employeur n’est même pas invité à rapporter la preuve contraire, c’est-à-dire qu’il n’y a aucun lien entre les motifs du licenciement et la menace de la procédure.

Les juges du fond refusent de se prononcer sur les griefs visés dans cette lettre. C’est un contrôle purement formel où le principe de la liberté fondamentale emporte tout.

Bon nombre de lettres de licenciement seront attentivement rédigées au regard de cette jurisprudence, de même que les précisions que l’employeur peut apporter ensuite de la notification du licenciement que ce soit à sa propre initiative ou en réponse à une demande du salarié.

 

Rappelons que, dans tous les cas, le salarié dont le licenciement est nul a le droit de réclamer sa réintégration dans son emploi ou, à défaut, dans un emploi équivalent ainsi que le versement d’une indemnité équivalente aux salaires perdus pendant la rupture de son contrat de travail et jusqu’à sa réintégration dans l’entreprise.

La décision du 21 novembre 2018 rappelle qu’il n’y a pas lieu de déduire les indemnités versées pour perte d’emploi.

Dans les cas de nullité, le « barème Macron » sera inopposable pour le cas où le salarié opte pour des indemnités de départ et des dommages et intérêts.

La Garanderie Avocats suit activement les répercussions de ces jurisprudences ou leurs éventuelles inflexions et ne manquera pas de vous en tenir informés.


le 11/02/2019

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