Aux termes de l’article L. 1233-5 du Code du travail, l’employeur qui procède à un licenciement collectif pour motif économique en l’absence de convention ou d’accord collectif de travail applicable, définit les critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements, après consultation du comité social et économique (CSE).
« […]
Ces critères prennent notamment en compte :
1° Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ;
2° L’ancienneté de service dans l’établissement ou l’entreprise ;
3° La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ;
4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie.
L’employeur peut privilégier un de ces critères, à condition de tenir compte de l’ensemble des autres critères prévus au présent article […]. »
Concernant les données relatives à l’ancienneté ou l’âge, l’employeur ne rencontre pas de difficulté particulière pour recueillir ces informations qui présentent un caractère objectif. Quant aux caractéristiques sociales relatives à la situation de handicap et les charges de famille, elles sont complétées après interrogation des salariés.
En revanche, le critère relatif aux qualités / compétences professionnelles est quant à lui, plus difficile à appréhender pour l’employeur.
Il repose en pratique sur des évaluations issues des entretiens professionnels périodiques réalisés avec le collaborateur, qui permettent d’apprécier les compétences de ce dernier.
Or, comment mesurer la valeur professionnelle d’un salarié lorsque l’entreprise est dépourvue de tout système d’évaluation ?
Telle était la question soumise au Conseil d’Etat (arrêt du 22 mai 2019) dans une affaire où les salariés sollicitaient l’annulation de la décision d’homologation du document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi.
Dans cette affaire (n°413342), parmi les critères d’ordre des licenciements retenus par l’employeur, figurait naturellement le critère relatif aux qualités/compétences professionnelles, conformément aux dispositions de l’article L1233-5 du Code du travail.
Or, l’entreprise n’avait jamais mis en place de processus d’évaluation professionnelle.
Comment dès lors apprécier les qualités professionnelles des collaborateurs en l’absence de tout processus d’évaluation ?
L’employeur s’est fondé sur la prime d’assiduité versée aux salariés et recalculée de façon à ne pas pénaliser les salariés victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle et les salariés en congé maternité.
La Cour Administrative d’Appel a validé le mode d’évaluation de ce critère en considérant en effet que cet indicateur permettait aux critères d’ordre définis par le plan, de prendre en compte les qualités professionnelles de salariés.
Il est important de rappeler aux entreprises qu’en l’absence d’accord collectif ayant fixé les critères d’ordre des licenciements, le document unilatéral établi par l’employeur arrêtant le plan de sauvegarde de l’emploi ne saurait légalement fixer des critères d’ordre de licenciement qui omettraient l’un des quatre critères légaux ou neutraliseraient ses effets.
Le Conseil d’Etat apporte une nuance en précisant qu’« il en va autrement s’il est établi de manière certaine, dès l’élaboration du plan de sauvegarde de l’emploi, que, dans la situation particulière de l’entreprise et pour l’ensemble des personnes susceptibles d’être licenciées, aucune des modulations légalement envisageables pour le critère d’appréciation en question, ne pourra être matériellement mis en œuvre lors de la détermination des critères d’ordre ».
Cet arrêt met en évidence la volonté de souplesse des juridictions dans l’appréciation du critère des qualités professionnelles.
Il convient d’avoir à l’esprit que l’application des critères d’ordre de licenciement est très souvent mise en cause dans les contentieux portant sur les licenciements économiques. En effet, si les entreprises parviennent à démontrer la réalité du motif économique et le respect de l’obligation de reclassement, le licenciement pourrait néanmoins être jugé sans cause réelle et sérieuse au seul motif que les critères d’ordre des licenciements n’auraient pas été respectés.
Il est donc particulièrement important de conduire très amont une réflexion sur les modes d’appréciation des qualités et sur l’application des critères d’ordre, dès qu’un projet de licenciement économique est envisagé.