Si en droit pénal, la preuve est libre, tel n'est pas le cas en matière civile et donc sociale.
Par un arrêt rendu ce 22 décembre 2023, la Cour de cassation semble mettre fin à des années de jurisprudence au cours de laquelle on considérait que la preuve obtenue de manière illicite ou déloyale était irrecevable.
L’Assemblée Plénière de la Cour de cassation vient en effet de prendre le contre-pied de cette jurisprudence traditionnelle en déclarant recevable un enregistrement d’une conversation réalisé à l’insu d’un salarié faisant état de propos justifiant le licenciement intervenu au motif que : « dans un procès civil, l'illicéité ou la déloyauté dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l'écarter des débats. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. »
Ce revirement n'est pas inattendu au regard de la jurisprudence de la chambre sociale qui, sous l'influence des positions prises par la CEDH, s'était déjà assoupli depuis 2020, en déclarant par exemple recevable la production d’éléments extraits du compte privé Facebook d’une salariée relevant pourtant de sa vie privée (Cass. soc., 30 sept. 2020, n° 19-12.058) ou la communication d'informations obtenues au moyen d'un dispositif de videosurveillance ne respectant pas les conditions fixées par la CNIL (Cass. Soc., 10 novembre 2021, n° 20-12.263).
La Cour de cassation semble donc désormais autoriser le recours à de nombreux dispositifs qui nous paraissaient à éviter (vidéosurveillance des salariés non déclarée, rapport d’un détective privé, enregistrement d’une conversation, ouverture de courriers…).
Une telle conclusion est pourtant peut-être un peu rapide car il ne faut pas oublier que la preuve déloyale ne peut être jugée recevable que si la partie concernée n’avait pas la possibilité de rapporter cette preuve par un autre moyen. Il ne s'agit donc pas d'utiliser de tels procédés à la légère, ni d'oublier que le salarié peut également être tenté d'utiliser à son profit cette évolution..