En matière de contentieux comme de négociation individuelle, le procès-verbal de conciliation a le vent en poupe, en particulier lorsqu’il débouche sur le versement d’une indemnité forfaitaire de conciliation au profit du salarié.
Il est vrai que les employeurs sont souvent invités à aller dans cette direction, au moment des discussions amiables, sans parfois bien en saisir les tenants et aboutissants.
Si elle peut sembler à première vue neutre pour l’entreprise, une telle indemnité présente plusieurs avantages majeurs pour le salarié, ce qui en fait un puissant levier de négociation dans certains cas.
En effet, d’une part, le montant de l’indemnité forfaitaire de conciliation est totalement exonéré d’impôt sur le revenu (article 80 duodecies du Code Général des Impôts), sans le plafond du double de la rémunération annuelle perçue l’année précédente dans la limite des 6 PASS tel qu’applicable à l’indemnité transactionnelle « classique ».
D’autre part, et ce n’est pas le moindre des intérêts, son montant n’est pas pris en compte par Pôle Emploi dans le calcul du différé d’indemnisation spécifique en matière d’allocation chômage, contrairement à l’indemnité transactionnelle pour sa partie supra- légale.
Enfin, la possibilité de se présenter volontairement devant le bureau de conciliation et d’orientation sans saisine préalable facilite considérablement cette procédure.
Ces éléments l’emportent souvent pour aboutir, au Conseil de prud’hommes, à la signature du procès-verbal afférent, quand bien même, comme en droit commun, le montant de l’indemnité forfaitaire de conciliation n’est exonéré de cotisations et contributions sociales que dans la seule limite de 2 PASS (81.048 en 2019) et addition faite de l’indemnité de licenciement éventuellement déjà versée (articles L 242-1 et L 136-1-1 du Code de Sécurité Sociale).
En pratique, ce mode de négociation est désormais très souvent employé. Cependant, la résolution par la conciliation ne peut être utilisée sans précaution.
En effet, rappelons que l’article L 1235-1 du Code du travail précise que le montant de l’indemnité forfaitaire est déterminé « en référence » à un barème spécifique, celui-ci est un peu supérieur au barème Macron du bureau de jugement fixé par l’article D 1235-21 du Code du travail, tous deux en fonction de l’ancienneté du salarié.
Or, les exonérations fiscales précitées ne valent que dans la limite du barème de conciliation. Les parties proposent, en cas de présentation volontaire, le montant qui va être retenu pour la conciliation. L’accord qui est présenté au Conseil de Prud’hommes s’il est supérieur au barème, même acté dans le procès-verbal, laissera les parties seules responsables des conséquences.
Selon l’article L 1235-1 du Code du travail, le procès-verbal de conciliation emporte renonciation des parties « à toute réclamation et indemnités relatives à la rupture du contrat de travail prévues au présent chapitre », ledit chapitre V du Titre III du Livre II de la première partie du Code du Travail, étant consacré à la contestation du licenciement.
Par conséquent, si l’on fait une stricte application du texte, seules les demandes afférentes à la rupture du CDI (licenciement, requalification de CDD en CDI et prise d’acte) seraient concernées par ce dispositif.
Dans ces conditions, après un procès-verbal de conciliation en comparution volontaire signé, sans autre précaution, un salarié pourrait saisir le Conseil de Prud’hommes de demandes relatives à l’exécution du contrat de travail (heures supplémentaires, primes, rappel de salaires, etc…).
Il peut être envisagé de sécuriser les dossiers et de s’assurer que l’accord sur les indemnités, consacré par la conciliation, tienne compte pour l’avenir de l’effort consenti par l’employeur dans la fixation du montant.
En ce sens, il convient donc de ne pas se laisser abuser par l’apparente simplicité de la procédure et de prendre toutes les précautions, qui mettent à l’abri des recours ultérieurs ou des risques en cas de dépassement de barème. Chaque partie doit pouvoir mesurer les conséquences et l’accord doit être sécurisé tant à l’égard du salarié que sur le plan fiscal ou des charges sociales. Le recours à une transaction complémentaire peut être utile lorsque la nature du dossier le permet.
Enfin, si le recours à l’accord forfaitaire de conciliation est de plus en plus fréquent, des incertitudes subsistent.
Il en va ainsi de l’édition d’une attestation Pôle Emploi rectificative, en principe obligatoire dès lors qu’un accord est trouvé postérieurement à la rupture du contrat de travail.
Or, le formulaire de l’attestation rectificative Pôle Emploi ne comporte pas la case permettant d’identifier la somme versée comme étant une indemnité forfaitaire de conciliation, ce qui peut s’expliquer par le fait qu’elle n’est pas prise en compte dans le calcul du différé spécifique d’indemnisation contrairement à une indemnité transactionnelle classique.
Faut-il en déduire que l’édition d’une attestation Pôle Emploi rectificative ne s’impose pas à l’employeur ?
Dès lors qu’aucune mention « indemnité forfaitaire de conciliation » n’est prévue sur l’attestation Pôle Emploi, la question n’est pas dénuée de bon sens.
Dans ces conditions, et dans un contexte qui pourrait inciter à une solution de facilité, il convient de faire preuve de la plus extrême prudence en l’absence de recul permettant d’appréhender toutes les conséquences de ces nouvelles opportunités crées par la loi.