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Elections professionnelles, l’objectif de parité ne doit pas être pris à la légère

Depuis le 1er janvier 2017, chaque liste de candidats aux élections professionnelles doit comporter un nombre d’hommes et de femmes respectant strictement la part d’hommes et de femmes inscrits sur la liste électorale, les listes devant en outre être composées alternativement d’un candidat de chaque sexe, afin de garantir la présentation de candidats du sexe sous-représenté en position éligible. Cette obligation a été reprise s’agissant du CSE par l’ordonnance du 22 septembre 2017 et inscrite dans le Code du travail à l’article L. 2314-30 (anciens articles L.2314-24-1 et L.2324-22-1 sur les DP et le CE).

Toutefois, dans les faits, tant les entreprises que les syndicats ont pu constater que cette obligation était difficile à respecter, certains syndicats tels que FO ou la CGT ayant une proportion d’élues nettement inférieure à la proportion de femmes du corps électoral (DARES analyse n°7 – février 2018).

On a ainsi pu constater l’adoption d’une certaine souplesse dans l’application du principe de proportionnalité.

De nombreux employeurs s’interrogent donc sur la position à adopter.

A l’heure où de nombreuses entreprises sont confrontées à cette problématique dans le cadre de l’organisation des élections professionnelles de leur premier CSE, la Cour de cassation est venue préciser les contours de l’obligation dans 2 arrêts du 9 mai 2018 (Cass. Soc., 9 mai 2018, n° 17-60.133 et n° 17-14.088).

Dans la première affaire, la Cour de cassation réaffirme le principe d’ordre public absolu dont relève l’obligation de proportionnalité, en précisant que le protocole d’accord préélectoral ne peut pas y apporter de dérogation.

Elle précise néanmoins que, même en ce qui concerne l’ordre de présentation des candidatures dans le respect de la parité, les irrégularités électorales ne peuvent entraîner l’annulation des élections que si elles sont susceptibles d’avoir eu des conséquences sur les résultats e celles-ci.

Dans la seconde affaire, la Cour de cassation se penche sur la question des listes ne comportant qu’un seul candidat.

En effet, ce cas est expressément visé par l’article L. 2314-30 du Code du travail qui dispose que l’obligation de parité s’applique aux listes « qui comportent plusieurs candidats ».

Certains syndicats s’étaient donc appuyés sur cet article pour présenter des listes constituées d’un seul candidat, du sexe sous-représenté, ce qui leur permettait de s’affranchir de l’obligation de respect de la proportionnalité.

Tel a été le cas dans l’espèce soumise à la Cour de cassation dans laquelle un syndicat avait déposé une liste ne comportant qu’un seul candidat titulaire de sexe masculin, deux sièges étant à pourvoir et la liste électorale au sein du collège concerné étant composée de 77 % de femmes et de 23 % d’hommes.

Le Tribunal d’Instance saisi de la question avait fait une stricte application de l’article L. 2314-30 et avait exclu l’obligation de respect de la parité à cette liste ne comportant qu’un seul candidat.

Telle n’est pas l’interprétation de la Cour de cassation, qui voit dans le fait de déposer une liste composée d’un seul candidat, une potentielle tentative de contournement de l’obligation de parité.

Dans son commentaire de l’arrêt, la Cour de cassation rappelle que l’objectif de la loi est d’« améliorer la représentation équilibrée des femmes et hommes dans les institutions représentatives du personnel ».

Elle exclut donc l’interprétation stricte des dispositions de l’article L. 2314-30 en la considérant comme trop éloignée de l’objectif visé par le législateur et considère que les dispositions des articles relatifs à la parité issus de la loi Rebsamen, imposent désormais aux organisations syndicales de présenter une liste de candidats conforme à ces dispositions, c’est à dire au cas particulier, deux sièges étant à pourvoir, de présenter deux candidats, une femme et un homme.

Cet arrêt revient donc sur la jurisprudence antérieure qui considérait qu’une candidature individuelle constitue une liste (Cass. soc. 25-3-1985 n° 84-60.713), jurisprudence encore très récemment rappelée puisque dans un arrêt du 9 novembre 2016 (n° 16-11.622), elle avait considéré que le fait de présenter une liste composée d’un seul candidat alors que deux sièges étaient à pourvoir ne posait aucune difficulté, « une liste [pouvant] comprendre un nombre de candidats inférieur au nombre de sièges à pourvoir »…

La portée de ce revirement reste relativement incertaine. Dans cet arrêt, les faits concernaient une candidature unique présentée au premier tour par un syndicat. On peut s’interroger sur la question de savoir si la position de la Cour aurait été la même s’agissant d’une candidature individuelle déposée par un salarié au second tour. Dans l’affirmative, cela reviendrait à contraindre les salariés souhaitant se porter candidats à constituer des listes respectant l’obligation de parité et par voie de conséquence à leur interdire de se porter candidat de manière individuelle, ce qui est très fréquent dans les PME.

En tout état de cause, rappelons que l’employeur n’a pas à se faire juge de la validité des listes de candidats et doit proposer au vote toutes les listes qui lui sont déposées dans les délais fixés par le protocole d’accord préélectoral, à charge pour lui d’en contester éventuellement la validité devant le Tribunal d’Instance en contentieux pré ou post-électoral.

Les conséquences de la rigueur imposée par la Cour de cassation risquent alors d’être d’autant plus dommageables. En effet, le Conseil constitutionnel a écarté les dispositions de l’ordonnance du 22 septembre 2017 visant à considérer qu’en cas de non-respect des règles de parité des candidats et d’annulation du mandat de l’élu concerné, l’employeur n’avait pas à organiser de nouvelles élections professionnelles, l’établissement des listes de candidats ne relevant pas de sa responsabilité mais de celle des organisations syndicales. Désormais, si une liste ne respecte pas l’obligation de parité, et bien que l’employeur ne puisse pas prendre l’initiative de l’écarter, l’annulation postérieure de l’élection d’un des candidats le contraindra à réorganiser des élections partielles portant sur le siège non pourvu.

La parité est donc bien un combat à mener dans l’intérêt de tous.

La Garanderie Avocats insiste donc sur l’effort de pédagogie à effectuer par les employeurs auprès des organisations syndicales mais aussi auprès des salariés se portant candidats au second tour en leur rappelant les règles applicables dès le dépôt des candidatures.


le 18/05/2018

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