Si la théorie du coemploi, qui permet aux salariés de rechercher la solvabilité de la société mère pour obtenir des dommages et intérêts pour licenciement économique dépourvu de cause réelle et sérieuse a connu quelques développements jurisprudentiels importants au début des années 2000, elle est désormais encadrée par des règles plus strictes, précisées par la Cour de cassation notamment avec la motivation de l’affaire Molex en 2014 (Cass. Soc. 2 juillet 2014, n°13-15.208 et suivants).
L’existence du coemploi se démontre :
Ces dernières années, la Cour de cassation a fait une application de plus en plus restrictive de la théorie du coemploi, notamment, en dernier lieu, concernant les sociétés PROMA SSA et CONTINENTAL en ce qu’elle a reconnu que :
C’est donc dans le droit fil de cette jurisprudence que la Cour de cassation a dernièrement écarté les demandes de reconnaissance de coemploi formulées par les salariés (Cass. Soc. 24 mai 2018, n°16-22.881 et suivants, n°16-18.621 et suivants, n°17-15.630).Dans l’arrêt METALEUROP, la chambre sociale a écarté l’argument du coemploi en retenant :
« la société Métaleurop Nord avait conservé son autonomie décisionnelle dans ses fonctions de production et le respect des réglementations, dans sa gestion comptable et dans celle des ressources humaines pour le personnel non cadre, et retenu que l’intervention de la société mère dans la nomination des instances dirigeantes et du contrôle de leur action ou l’attribution d’une prime exceptionnelle aux cadres dirigeants, ainsi que dans la gestion financière de la filiale par le biais d’une convention d’assistance technique et de gestion de trésorerie n’excédait pas la nécessaire coordination des actions économiques entre deux sociétés appartenant à un même groupe, a pu en déduire l’absence de la qualité de coemployeur de la société Métaleurop SA. » (Cass. Soc. 16-18.621).
Ce qui inspirait les jurisprudences qui l’ont précédé est désormais clairement précisé. Il s’agit bien de distinguer la structure économique d’un groupe et ses impératifs d’une relation contractuelle employeur-salarié.
Afin d’obtenir réparation par la société mère ou holding, hors « coemploi », les demandeurs sollicitent, de plus en plus fréquemment, des dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité délictuelle de cette entité.
C’est dans ce contexte que la chambre sociale de la Cour de cassation s’est prononcée le 24 mai dernier et a poursuivi la définition du contour de cette responsabilité extra-contractuelle de sociétés tierces à la relation de travail.
Dans un premier arrêt « LEE COOPER France », la Cour de cassation a retenu que le principal actionnaire de la société « avait pris, par l’intermédiaire des sociétés du groupe, des décisions préjudiciables dans son seul intérêt d’actionnaire, lesquelles avaient entraîné la liquidation partielle de la société Lee Cooper France » et « avait par sa faute, concouru à la déconfiture de l’employeur et à la disparition des emplois qui en est résultée. ».
La situation économique et la conduite de la société mère peuvent aussi être prises en considération.
La responsabilité délictuelle de la société FUNKWERK, actionnaire unique de la société BOUYER depuis 2008 (placée en liquidation judiciaire en 2010), n’a en revanche pas été retenue pour les motifs suivants :
En conclusion, la Cour de cassation a considéré que « la société Funkwerk n’avait pas, par les décisions de gestion prises, commis de faute ayant compromis la bonne exécution par sa filiale de ses obligations ni contribué à sa situation de cessation des paiements ».
La position ainsi adoptée par la Cour de cassation n’est d’ailleurs pas sans rappeler la décision rendue le 12 janvier 2002 par le Conseil Constitutionnel, à l’occasion de l’examen d’un texte relatif à la définition du motif économique de licenciement, et au terme de laquelle était consacrée la liberté d’entreprise, ainsi, qu’à travers elle, la liberté des choix de gestion (Décision n°2001-455 DC du 12 janvier 2002).
Du côté des sociétés mères, la mise en cause de leur responsabilité délictuelle en cas de licenciement pour motif économique au sein de leurs filiales, est aussi soumise à un contrôle selon une recherche précise tant économique que sur le plan d’une responsabilité sociale qui pour n’être pas nommée est présente dans le raisonnement.
Néanmoins, ne faudrait-il pas avant toute discussion vérifier que la juridiction prud’homale est véritablement compétente pour connaître de ces demandes, même subsidiaires, au titre de la responsabilité extra-contractuelle d’une société mère, en l’absence de contrat de travail ?