Le 15 juin 2017, La Garanderie Avocats avait consacré un article à la réponse apportée le 27 avril 2017 par la CJUE (http://www.lagaranderie.fr/?p=1050) à une question portant sur l’opposabilité à l’URSSAF de certificats de détachement (E101 devenus A1) que cette dernière contestait au motif qu’il était, selon elle, manifeste que l’activité des travailleurs concernés n’entrait pas dans le champ d’application matériel du règlement organisant le détachement des travailleurs.
La CJUE a jugé qu’il existe une présomption de régularité de l’affiliation du travailleur concerné au régime de sécurité sociale de l’Etat membre où est établi l’employeur ; lorsqu’une institution compétente émet des doutes quant au bienfondé d’une décision d’une institution compétente d’un autre Etat membre, elle doit admettre de reconsidérer le bienfondé de sa décision et éventuellement l’annuler.
La CJUE précise qu’en cas de désaccord persistant entre les institutions, il leur est loisible d’en appeler à la Commission Administrative pour la coordination des systèmes de sécurité sociale (CACSSS) et qu’un État membre, dans l’hypothèse où la Commission Administrative n’aurait pas réussi à concilier les parties, peut la saisir elle, afin qu’elle examine la question de la législation applicable et partant, l’exactitude des mentions figurant dans le certificat de détachement. La CJUE rappelle que sa saisine ne prive pas l’institution compétente de ses recours juridictionnels internes.
Après avoir pris connaissance de la réponse de la CJUE, l’Assemblée plénière de la Cour de Cassation à l’origine du questionnement par arrêt du 22 décembre (n° 13-25467) a jugé que la Cour d’appel « ne pouvait elle-même remettre en cause la validité des certificats E 101 en constatant le défaut d’exercice, par les personnes employées par la société, d’une activité salariée sur le territoire de deux ou plusieurs États membres, au sens de l’article 14, paragraphe 2, sous a), et qu’il incombait à l’URSSAF, qui éprouvait des doutes sur l’exactitude des faits mentionnés dans les certificats et invoqués au soutien de l’exception énoncée par cette disposition, d’en contester la validité auprès de l’institution suisse qui les avait délivrés, et, en l’absence d’accord sur l’appréciation des faits litigieux, de saisir la commission administrative pour la sécurité sociale des travailleurs migrants ».
L’Assemblée plénière a ainsi confirmé que la force probatoire des certificats délivrés par les institutions d’un Etat membre s’impose aux institutions ainsi qu’aux juges nationaux. En cas de contestation, il appartient à la partie contestant le certificat, sur qui pèse la charge de la preuve, de suivre la procédure spécifique prévue à cet effet, qui prévoit en premier lieu un rapprochement entre les institutions concernées et en cas d’échec du rapprochement la saisine de la Commission administrative pour la sécurité sociale des travailleurs migrants.
C’est cette dernière étape, reconnue obligatoire par l’Assemblée plénière, qu’avait ignorée l’URSAAF, préférant avoir recours au juge national, en violation du principe selon lequel, même en cas d’irrégularité manifeste, le juge de l’Etat d’accueil du travailleur n’est pas autorisé à vérifier la validité des certificats de détachement.
Dans les prochains mois, nous saurons si cette position désormais commune de la CJUE et de la Cour de cassation, trouve également à s’appliquer en cas de fraude. En effet, la CJUE va devoir répondre à une question préjudicielle Belge portant sur la possibilité pour le Juge de l’Etat d’accueil d’écarter et/ ou d’annuler des certificats obtenus frauduleusement (Affaire C‑359/16. demande de décision préjudicielle formée par la Cour de cassation, Belgique).
Dans cette espèce, les certificats ont été émis par une institution compétente Bulgare.
L’avocat général près la CJUE a conclu, au nom du principe selon lequel « Le droit cesse où l’abus commence », que le certificat E 101 ne s’impose pas à une juridiction de l’État membre d’accueil, lorsque celle‑ci constate que ledit certificat a été obtenu ou invoqué frauduleusement, et que, dans une telle hypothèse, ladite juridiction peut laisser inappliqué ce certificat.
Cette position est en opposition avec celle de la Commission qui, dans le cas d’espèce, préconise que la CJCE tranche les faits au principal et que l’administration compétente du pays d’accueil, sur la base de l’arrêt, demande à l’institution compétente, qui serait alors tenue d’agir, de retirer les certificats E 101 ou de les déclarer invalides.
Partant, la Commission préconise que la Cour procède à une qualification juridique des données factuelles du cas d’espèce, ce qui ne relève pas de sa compétence.
En effet, la CJUE est uniquement habilitée à se prononcer sur l’interprétation ou la validité d’un texte de l’Union, à partir des faits qui lui sont indiqués par la juridiction nationale et qu’il appartient à cette dernière d’appliquer les règles de droit de l’Union à un cas concret.
La Garanderie Avocats ne manquera pas de vous tenir informé de la décision de la CJUE.