# Organisation & Bien-Être au travail
Cour Européenne des Droits de l’Homme - Vie privée vs vie professionnelle : la frontière vaut la peine d’être clairement précisée

De longue date, La Garanderie Avocats a conseillé à ses clients de prévoir dans leurs chartes informatiques qu’étaient couverts par le respect de la vie privée les seuls fichiers figurant dans des répertoires clairement identifiés comme étant « privés » ou les mails comportant en objet la mention « privé » ou « message à caractère privé », par préférence à d’autres mentions parfois plus ambiguës.

Ce conseil reposait sur deux éléments de réflexion principaux.

  1. Le premier concerne le corps des textes qui visent à garantir la « vie privée » des salariés.

Tel est le cas :

2.  Le second élément de réflexion reposait sur l’expérience acquise dans de nombreux dossiers sur le caractère ambigu révélés par d’autres formulations, source de contentieux et à écarter.

Ainsi, les mentions « Personnel » voire « Personnel et confidentiel » portées en « objet » des courriels sont très courantes, y compris dans le cadre de relations professionnelles, et sont dès lors insuffisantes pour identifier ce qui relève réellement de la vie privée de ses salariés.

De même, certaines mentions telles que, par exemple, « bonne blague » ou « problème de garde de mon fils » étaient également insuffisantes à conférer avec certitude au message un caractère privé. Il pouvait en effet s’agir tout autant de messages privés que d’échanges de nature professionnelle qualifiant de « bonne blague » une demande d’un collègue ou de « problème de garde de mon fils » une demande d’autorisation d’absence adressée à son manager.

Dans un arrêt du 22 février 2018, la Cour Européenne des Droits de l’Homme vient de conforter en tous points cette analyse.

Dans cette affaire, le salarié faisait valoir que les fichiers litigieux (fausses attestations de l’employeur ; fichiers à caractère pornographique ; …) qui avaient conduit à son licenciement figuraient dans un répertoire de son disque dur qu’il avait pris le soin de nommer « D:/données personnelles » et que le titre des fichiers qui y figuraient tels que « rires » ne laissaient planer aucun doute sur le caractère personnel de leur contenu de sorte que l’employeur ne pouvait accéder à ce répertoire et à ces fichiers hors de la présence du salarié.

Pour débouter le salarié, la Cour relève :

1/ que le Disque dur « D » de l’ordinateur de tous les salariés, nommé par défaut « D:/DONNEES », était destiné au stockage de données professionnelles et, uniquement de manière ponctuelle, d’informations de nature privée ; que par voie de conséquence, « un salarié ne pouvait « utiliser l’intégralité d’un disque dur, censé enregistrer des données professionnelles, pour un usage privé » en renommant le répertoire « D:/données personnelles » ;

2/ « qu’en tout état de cause, le terme générique de « données personnelles » pouvait se rapporter à des dossiers professionnels traités personnellement par le salarié et ne désignait donc pas de façon explicite des éléments relevant de la vie privée » ;

3/ que « le terme « rire » ne conf[érait] pas d’évidence au fichier ainsi désigné un caractère nécessairement privé, cette désignation [pouvant] se rapporter à des échanges entre collègues de travail ou à des documents professionnels, conservés à titre de « bêtisier », par le salarié »

4/ enfin, et surtout, que la Charte de l’utilisateur pour l’usage du système d’information de la société en la cause précisait que « les informations à caractère privé doivent être clairement identifiées comme telles (option « Privé » dans les critères OUTLOOK, notamment). Il en est de même des supports recevant ces informations (répertoire « PRIVÉ ») » ; or, tel n’était pas le cas des fichiers et répertoire en cause dans cette affaire.

Les multiples cas nous invitant à revisiter ou compléter les chartes informatiques (droit à la déconnexion des salariés ; dispositifs d’alertes interne Sapin II ; utilisation des outils par les nouveaux élus au CSE ; …) sont autant d’occasions de les modifier, si nécessaire. C’est aussi l’opportunité de faire plus clairement la part des choses entre ce qui relève de la « vie professionnelle » et de la « vie privée ».

Pensez-y…

le 01/03/2018

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