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Contestation des expertises du CHSCT : Les règles s’affinent encore…

Alors que les Comités d’Hygiène de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT) sont amenés à disparaître au profit du nouveau Comité Social et Economique (CSE), la chambre sociale de la Cour de Cassation a apporté, au cours des quatre derniers mois, plusieurs précisions quant à la contestation des expertises par l’employeur, non sans s’inspirer des dispositions des ordonnances concernant les expertises du CSE.

C’est ainsi qu’ont été clarifiés dernièrement : le moment de la désignation de l’expert, le point de départ du délai de contestation du coût prévisionnel de l’expertise et les délais de procédure.

  • Le moment de la désignation de l’expert

Quelques années en arrière, la chambre sociale de la Cour de cassation considérait que, faute pour les membres du CHSCT d’avoir eu connaissance du cahier des charges et du projet de convention d’expertise avant d’adopter une délibération de recours à l’expert, ils n’avaient pas été en mesure d’adopter leur délibération en connaissance de cause et celle-ci devait donc être annulée (Cass. Soc. 13 février 2013, n°11-27.089).

Pour la même raison, il aurait paru logique que le CHSCT nomme l’expert en charge de la mission en même temps qu’il décide de son principe.

Une récente décision tempère cette approche.

Celle-ci concerne une demande d’annulation par la SNCF d’une délibération du CHSCT décidant du recours à un expert en raison des conséquences de la suppression des missions de sécurité des agents de service commercial dans les trains sur les conditions de travail des agents de conduite.

A l’appui de son pourvoi, la Direction faisait valoir que « pour permettre une contestation utile de l’employeur devant le juge des référés, la délibération du CHSCT décidant de recourir à une expertise en cas de projet important doit désigner expressément un cabinet d’expertise agréé et définir précisément la mission de l’expert. »

Son argument n’ayant pas convaincu les hauts magistrats, ceux-ci ont confirmé la décision du Président du TGI d’Amiens considérant que l’article L 4614-13 du Code du travail ne s’oppose pas à ce que le recours à l’expertise et la désignation de l’expert fassent l’objet de deux délibérations distinctes du CHSCT (Cass. Soc. 5 juillet 2018, n°17-11.829).

La pratique des CHSCT consistant à acter dans un premier temps le principe de l’expertise, puis à en organiser dans un second temps les modalités pratiques, notamment s’agissant du cabinet d’expertise retenu, est ainsi validée et la jurisprudence de 2013 quelque peu écornée.

  • La procédure de contestation du recours à l’expertise par le CHSCT

Conformément à l’article L 4614-13 du Code du travail toujours en vigueur avant que le CHSCT ne soit remplacé par le CSE, l’employeur dispose d’un délai de 15 jours à compter de la délibération du CHSCT pour contester, devant le juge judiciaire, le recours à l’expertise ; le juge judiciaire dispose ensuite d’un délai de 10 jours suivant sa saisine pour statuer. Ces dispositions ont d’ailleurs été jugées conformes à la Constitution par le Conseil Constitutionnel dans sa décision n° 2017-662 QPC du 13 octobre 2017.

→ Le point de départ du délai de recours du coût prévisionnel de l’expertise

Lorsque la délibération du CHSCT comporte à la fois le motif de recours à l’expertise, le descriptif de la mission de l’expert, son nom ainsi que le coût prévisionnel de l’expertise, la question du point de départ du délai de recours ne pose pas véritablement de difficulté.

Il en va cependant différemment lorsque l’employeur, à la lecture de la première délibération relative au principe du recours à l’expert, ne dispose pas de l’ensemble des informations relatives à celle-ci.

La chambre sociale de la Cour de cassation a ainsi eu à connaître de la question du délai de contestation du coût prévisionnel de l’expertise, et précisé, au visa des articles L 4614-13 et L 4614-13-1 du Code du travail, interprétés à la lumière de l’article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, que « le délai de quinze jours pour contester le coût prévisionnel de l’expertise ne court qu’à compter du jour où l’employeur en a été informé » (Cass. Soc. 28 mars 2018, n°16-28.561).

En conséquence, si l’employeur est rendu destinataire du devis de l’expert postérieurement à la délibération portant sur le seul recours à l’expert, il dispose, à compter de ce jour-là, d’un délai de 15 jours pour contester le coût prévisionnel de l’expertise.

Il en ira a priori de même si le CHSCT a dans un premier temps décidé du recours à l’expert, puis, dans un second temps, nommé l’expert et que l’employeur entend contester cette nomination.

→ La date de saisine et la décision du juge

La saisine du juge judiciaire statuant en la forme des référés intervient par voie d’assignation.

Or, l’assignation par voie d’huissier doit ensuite être « placée » auprès du greffe du Tribunal de Grande Instance, par remise d’une copie de celle-ci, pour finaliser la saisine du tribunal.

Le délai 15 jours octroyé à l’employeur pour saisir le Tribunal expire-t-il ainsi au jour de l’assignation par voie d’huissier ou au jour de la remise de sa copie auprès du Tribunal ?

La Haute Juridiction a indiqué dernièrement que la date de saisine du Président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés s’entend de celle de l’assignation (Cass. Soc. 6 juin 2018, n°16-28.026).

Au cas d’espèce, il suffisait ainsi que l’assignation ait été délivrée par voie d’huissier au CHSCT dans le délai de 15 jours, peu important qu’elle n’ait été remise au greffe du Tribunal que trois semaines plus tard.

Par ce même arrêt, la Cour de cassation, parfaitement au fait du « temps judiciaire », et malgré l’effet suspensif de l’action en contestation de l’expertise sur le déroulement de celle-ci, a considéré que « l’obligation faite au juge par l’article L. 4614-13 du code du travail dans rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, alors applicable, de statuer dans le délai de dix jours suivant sa saisine n’est pas prescrite à peine de nullité de l’ordonnance. » (Cass. Soc. 6 juin 2018, n°16-28.026)

En conséquence, le dépassement par le juge du délai qui lui est imparti pour rendre une décision n’a aucune conséquence sur la validité de sa décision.

Il est enfin intéressant de noter que des décisions sont toutes confortées par les dispositions de l’article L 2315-86 du Code du travail relatives aux modalités de contestation des expertises sollicitées par le Comité Social et Economique, de sorte que les règles applicables aux anciens CHSCT et aux nouveaux CSE seront parfaitement cohérentes durant la période transitoire actuellement en cours.


le 27/08/2018

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