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Consultation du CSE sur le reclassement dans le cadre d'une inaptitude : Mode d'emploi

La loi du 8 août 2016 (n° 2016-1088) relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels a unifié les procédures applicables en ce qui concerne les licenciements consécutifs à une inaptitude d’origine professionnelle et non professionnelle. Avant cette loi, la consultation des représentants du personnel, à savoir les délégués du personnel s’ils existaient, ne concernait que les cas d’inaptitude d’origine professionnelle. Depuis le 1er janvier 2017, les représentants du personnel doivent être consultés, qu’il s’agisse d’une inaptitude d’origine professionnelle ou non.

Cependant le législateur n’a pas été jusqu’à prévoir explicitement la sanction applicable en cas d’inobservation de la procédure lorsque l’inaptitude est d’origine non-professionnelle, contrairement à l’inaptitude professionnelle pour laquelle la non-consultation des représentants du personnel entraîne la nullité du licenciement en vertu de l’article L. 1226-15 du Code du travail.

Par trois arrêts du 30 septembre 2020 (n° 19-16.488, n°19-13.122 FS-PB et n°19-11.974 FS-PBI), la chambre sociale de la Cour de cassation répond enfin à cette question, tout en apportant des précisions sur les modalités de consultation des représentants du personnel.

Rappelons qu’à la suite de l’avis d’inaptitude émis par le médecin du travail, et sauf dispense de reclassement, l’employeur a l’obligation de rechercher les postes de reclassement disponibles en prenant en compte les indications formulées par le médecin du travail. Qu’il ait ou non identifié des offres éventuelles de reclassement du salarié inapte, l’employeur doit consulter le CSE pour recueillir son avis sur la pertinence du poste de reclassement ou sur l’impossibilité de reclassement du salarié. L’employeur ne peut licencier le salarié que s’il justifie, soit de son impossibilité de proposer un emploi, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé, soit d’une dispense de reclassement formulée par le médecin du travail.

Les modalités de la consultation des représentants du personnel.

Le Code du travail ne prévoit pas de modalités particulières pour consulter les représentants du personnel, les articles L. 1226-2 (inaptitude non-professionnelle) et L. 1226-10 (inaptitude professionnelle) du Code du travail disposant uniquement que la proposition de reclassement doit être formulée après avis des représentants du personnel.

La Cour de cassation rappelle que cet avis doit également être recueilli en l’absence d’identification de postes de reclassement disponibles (n°19-16.488).

Puis, par un second arrêt du même jour, elle se penche sur le cas d’un salarié inapte qui avait tenté de faire valoir que la consultation des représentants du personnel était irrégulière car elle avait eu lieu par le biais d’une conférence téléphonique (n° 19-13.122).

Les juges du fond, qui avaient estimé que ce mode de consultation était valable, sont suivis par la chambre sociale de la Cour de cassation, qui précise que « l’article L. 1226-10 du code du travail, […] n’imposant aucune forme particulière pour recueillir l’avis des délégués du personnel quant au reclassement d’un salarié déclaré inapte, la cour d’appel, qui a constaté que la délégation unique du personnel, dans ses attributions de délégation du personnel, avait été consultée et que chaque élu avait émis un avis, a légalement justifié sa décision ».

Elle confirme ainsi la jurisprudence rendue sous les anciennes dispositions et qui considérait qu’il était possible de recueillir l’avis des délégués du personnel individuellement mais nécessairement collectivement au cours d’une réunion (Cass. Soc., 29 avril 2003, n°00-46.477).

Cette souplesse est particulièrement appréciable depuis que l’entité à consulter est devenue le CSE qui ne se réunit, dans les entreprises de moins de 300 salariés qu’une fois tous les deux mois. L’employeur n’a donc pas nécessairement à organiser une réunion exceptionnelle supplémentaire s’il doit recueillir l’avis du CSE avant de proposer au salarié un éventuel poste de reclassement d’autant qu’il doit reprendre le versement des salaires dans un délai d’un mois à compter de l’avis d’inaptitude.

La sanction de l’inobservation de la procédure de licenciement pour une inaptitude non-professionnelle.

Dans la troisième affaire, examinée par la Cour de cassation, un salarié déclaré inapte à son poste de travail à la suite d’une maladie non-professionnelle, avait été licencié en 2017 pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Il conteste son licenciement et saisit la juridiction prud’homale. Il considère en effet que l’employeur a manqué à son obligation de reclassement en ne consultant pas les délégués du personnel sur les postes de reclassement appropriés à ses capacités.

Les juges du fond ont fait une interprétation stricte des articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du Code du travail qui ne prévoient pas de sanction pour l’employeur qui ne consulte pas les représentants des salariés sur le reclassement d’un salarié inapte pour une origine non-professionnelle. Les juges ont donc considéré que le manquement de l’employeur ne privait pas le licenciement de cause réelle et sérieuse.

Telle n’a pas été la position de la chambre sociale de la Cour de cassation qui a décidé d’appliquer la même catégorie de sanction à la non-consultation des représentants des salariés dans le cadre d’un reclassement pour une inaptitude non-professionnelle que pour l’inaptitude d’origine professionnelle. Elle a ainsi considéré que « la méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte consécutivement à un accident non professionnel ou une maladie, dont celle imposant à l’employeur de consulter les délégués du personnel, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse».

Le fait de ne pas avoir procédé à la consultation des représentants du personnel sur les recherches de reclassement avant de procéder au licenciement du salarié inapte entraîne donc désormais :

  • Soit la nullité du licenciement si l’inaptitude est d’origine professionnelle (c’est-à-dire consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle), et donc la réintégration du salarié ou à défaut une indemnité qui ne peut pas être inférieure à six mois de salaires ;
  • Soit le caractère dépourvu de cause réelle et sérieuse du licenciement si l’inaptitude n’est pas d’origine professionnelle, et donc le paiement de dommages et intérêts en application du barème d’indemnisation prévu à l’article L. 1235-3 du Code du travail.

Dans un cas comme dans l’autre, ces indemnités sanctionnant le manquement de l’employeur se cumulent avec celles qui sont prévues en cas de licenciement pour inaptitude (article L. 1226- 4 et L. 1226-14 du Code du travail).

Ces décisions ont été prises alors que les anciennes institutions représentatives du personnel (DP) étaient encore en place mais sont applicables au CSE.

Elles rappellent à quel point la procédure de licenciement consécutive à une déclaration d’inaptitude professionnelle ou non est semée d’embûche et nécessite précision et précautions.

le 19/10/2020

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