Pouvons-nous continuer d’engranger des congés payés lorsque nous sommes en congés maladie « simple » ? En France, si hier la loi disait non, aujourd’hui la Cour de cassation est venue rebattre les cartes. S’appuyant sur l’application du droit européen, l’arrêt de la Cour de cassation impose maintenant, du moins en principe, l’ouverture des droits aux congés payés durant tous les arrêts maladies.
En pratique, cette décision transforme le quotidien des entreprises au moins sur trois points particuliers :
Ces différents éléments, qui peuvent sembler relativement anecdotiques ou ne toucher qu’un faible nombre de cas, soulèvent en réalité des enjeux directs et onéreux pour l’entreprise. La question d’abord, immédiate, de la mise en application de ces modifications, et du périmètre de celles-ci. Cette décision est-elle d’application immédiate ? Sera-t-elle applicable pour les salariés présentement en arrêt maladie, ou même rétroactive pour les salariés étant sortis d’arrêt ? Et quelle limite à cette rétroactivité dès lors que les juges font courir la prescription à compter de la mise en mesure d’exercer son droit, soit sans doute à compter de la connaissance d’un droit qui, jusqu’à cette décision, n’existait pas … ?
Autant de questions qui sont aujourd’hui sans réponse et qui peuvent représenter des sommes considérables pour l’entreprise. Les premiers comptes chez certaines d’entre elles aboutissent à plusieurs centaines de milliers d’euros en jeu. De ces interrogations découle donc logiquement celle concernant le besoin de provisionnement pour les entreprises, prises au dépourvu par ce revirement relativement soudain de la jurisprudence.
Mais l’enjeu n’est pas que pour l’entreprise car le flou juridique touche également les salariés. La question de savoir comment liquider des congés acquis que le salarié n’est pas en position de prendre, au risque dans le cas contraire, de les perdre, peut conduire à certaines tensions au sein des départements des ressources humaines et dans l’entreprise au quotidien.
Au-delà des considérations pratiques, cette mise en conformité, par le truchement des juges, avec le droit européen interroge également sur le fonctionnement et la structure du droit social français dans son ensemble. Ainsi malgré le nombre mesuré de cas, la charge financière pesant sur les entreprises doit pouvoir être contrebalancée par un système de contrôle réel et efficace. Si les droits des salariés sont en effet renforcés, le contrôle du bien-fondé de ces arrêts – et des certificats médicaux qui s’en trouvent à l’origine - doit l’être tout autant, afin d’éviter des abus fragilisant au final les entreprises.
On l’aura compris, si la question n’est pas ici de discuter du bien-fondé d’une décision, qui s’inscrit dans le cadre du droit européen, celle-ci n’en représente pas moins une charge réelle. Au risque de déstabiliser les entreprises déjà régulièrement soumises à des évolutions normatives que l’on pourrait juger rapides, voire trop rapides pour réorganiser sainement son mode de travail, cette remise en cause des fondements de la relation entre arrêt maladie et congés payés n’est pas anodine. Ne laissons pas le flou se maintenir trop longtemps, autant pour les entreprises qui doivent pouvoir financièrement s’y préparer, que pour assurer que les salariés puissent bénéficier en fait de cette évolution du droit le cas échéant.