Les médecins sont souvent sollicités par les salariés qui souhaitent obtenir des certificats médicaux afin de les utiliser dans un cadre judiciaire.
C’est souvent le cas dans des dossiers de harcèlement ou d’inaptitude dans lesquels le salarié entend démontrer une dégradation de son état de santé imputable à l’employeur ou encore dans des dossiers de maladie professionnelle.
Depuis quelques années, le Conseil de l’ordre des médecins connaît de plus en plus de plaintes d’employeurs reprochant au médecin traitant ou au médecin du travail d’avoir pris fait et cause pour le salarié en rédigeant des conclusions médicales établissant un lien entre la pathologie de l’intéressé (syndrome anxio-dépressif, bun out…) et ses conditions de travail en se basant sur des faits qu’il n’a pas personnellement constatés et qui sont, en réalité, la retranscription des dires de son patient.
Or, en application de l’article 28 du Code de déontologie des médecins et l’article R.4127-28 du code de la santé publique : « La délivrance d’un rapport tendancieux ou d’un certificat de complaisance est interdite ».
Le Conseil National de l’Ordre des médecins précise au sujet de ces dispositions que:
Lorsqu’un médecin établit un lien de causalité santé/travail sans détenir la preuve formelle de ce qu’il avance, l’employeur a ainsi la faculté de mettre en œuvre à son égard la procédure disciplinaire instituée par le Code de la santé publique afin qu’il prononce une sanction : avertissement, blâme, interdiction temporaire d’exercer ou radiation du tableau de l’Ordre en fonction de la faute reprochée.
Le 4 mai dernier l’instance disciplinaire du Conseil de l’ordre des médecins statuant en cause d’appel (une première condamnation avait été prononcée le 18 janvier 2016) a condamné un médecin du travail à une sanction de six mois de suspension d’exercice dont trois avec sursis après que deux employeurs ont porté plainte contre lui devant le Conseil de l’ordre.
Dans le cadre de contentieux portant sur des faits de harcèlement moral et sexuel, avaient été produits des documents rédigés par ce médecin dans le cadre d’une étude de poste préalable à un avis d’inaptitude dans lequel il s’interrogeait notamment sur l’existence d’« un droit de cuissage dans l’entreprise » et pointait des risques de « dérapages et passages à l’acte vers des violences sexuelles et morales imposées » au motif que les salariés se disaient bonjour le matin en se faisant la bise et se tutoyaient (!).
Ce faisant, le médecin a porté des accusations graves à l’encontre de l’employeur et ainsi largement outrepassé son rôle.
Dans une autre affaire récente, il était reproché à un médecin du travail d’avoir mentionné dans un certificat médical produit par un salarié devant le juge prud’homal un « enchaînement délétère de pratiques maltraitantes » sans faire état de faits qu’il aurait pu lui-même personnellement constater.
Dans un arrêt du 6 juin 2018 (n°405453), le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoi formé par le médecin confirmant ainsi le bien-fondé de l’avertissement prononcé par le Conseil de l’ordre.
Les employeurs disposent donc d’une voie pour faire écarter des conclusions médicales orientées et empreintes de subjectivité qui seraient produites par un salarié au soutien de ses prétentions.
Contrairement à ce que certains syndicats dénoncent, ces sanctions n’ont pas pour objet d’entraver le libre exercice des médecins mais bien de mettre un terme à des dérives qui faussent les débats judiciaires.