Après des mois de discussions âpres pendant lesquels a dû être sérieusement envisagée la perspective d’un « no-deal », l’Union Européenne et le Royaume Uni ont finalement signé un accord (partiel) de coopération et de commerce le 24 décembre 2020, quelques heures avant le terme de la période de transition fixé au 31 décembre 2020.
Pour autant, les conséquences sociales de cette sortie de l’UE n’y sont que peu envisagées. En revanche, les statuts des travailleurs transfrontaliers sont contraignants.
La sortie du Royaume Uni de l’UE aura un certain impact en matière de droit du travail, notamment s’agissant des points suivants :
Rappelons que le Comité d’Entreprise Européen (CEE) doit être institué dans les entreprises ou les groupes d’entreprises de dimension communautaire, c’est-à-dire, remplissant les conditions suivantes :
Depuis le 1er janvier 2021, les entités situées au Royaume-Uni, ainsi que les salariés y exerçant leur activité ne sont plus être pris en compte pour l’appréciation de la dimension communautaire du groupe et des seuils d’effectifs : un groupe ne comportant que des entités situées au Royaume-Uni et en France (ou dans un autre pays de l’UE) ne sera plus tenu d’instituer un CEE. Il semble néanmoins toujours possible de prévoir, dans l’accord, de constitution du CEE d’élargir le périmètre du CEE aux entités situées au Royaume-Uni.
Les CEE déjà existants soumis à la loi française (entreprise dominante en France) et qui ne rempliraient plus les conditions de constitution du CEE pourraient en faire constater la suppression par accord conclu en leur sein entre l’employeur et les représentants des salariés au CEE, ou à défaut par la DIRECCTE.
Si le comité était toutefois soumis à la législation applicable au Royaume-Uni (direction centrale du groupe située au Royaume-Uni ou direction centrale présumée , c’est-à-dire la direction de l’entreprise du groupe employant le plus grand nombre de travailleurs dans un Etat membre), l’entreprise ou le groupe devrait désigner un nouveau représentant de sa direction centrale dans un Etat membre de l’UE ou de l’EEE, déterminer l’entité relevant de l’UE ou de l’EEE ayant le plus de salariés après exclusion du Royaume-Uni et identifier la nouvelle législation à laquelle soumettre son Comité d’Entreprise Européen.
De même, les entités situées au Royaume-Uni ne devraient plus être prises en compte pour déterminer si l’entreprise est soumise à l’obligation de mettre en place le congé de reclassement qui doit être proposé aux salariés dont le licenciement pour motif économique est envisagé dans les entreprises dont l’effectif est au moins égal à 1.000 salariés, appartenant à un groupe d’au moins 1.000 salariés en France ou appartenant à un groupe d’entreprises de dimension communautaire.
Le seuil d’effectif, identique à la situation du CEE, ne s’apprécie qu’au sein des entreprises situées sur le territoire d’un Etat membre de l’UE ou de l’EEE. Dès lors les entités situées au Royaume Uni ne devraient plus être prises en compte.
Un groupe ne comportant que des entités situées au Royaume-Uni France ne pourrait plus être considéré comme un groupe de dimension communautaire et la société française, si elle compte moins de 1.000 salariés ne sera alors plus assujettie à l’obligation de mettre en place un congé de reclassement.
Pour ces salariés, les autorités britanniques ont mis en place un statut de résident permanent (« settled status »), leur permettant de poursuivre leur activité et d’accéder aux prestations sociales britanniques.
Peuvent bénéficier de ce statut, les salariés :
– Installés au Royaume-Uni au 31 décembre 2020 ;
– Et qui résident de manière continue sur ce territoire depuis au moins 5 ans.
La demande doit néanmoins être faite avant le 30 juin 2021. Au-delà (et sauf prorogation), le Royaume-Uni pourra exiger que les citoyens de l’Union ou les ressortissants britanniques introduisent une demande de titre de séjour.
Les salariés résidant au Royaume-Uni depuis moins de 5 ans sont éligibles quant à eux au pré-statut de résident permanent (« pre-settled status »). Ils pourront ensuite faire la demande de statut de résident permanent lorsque la condition de résidence sera remplie.
Depuis le 1er janvier 2021 et jusqu’au 30 septembre 2021, la carte d’identité en cours de validité reste suffisante pour se rendre au Royaume Uni pour les séjours de moins de 3 mois. A compter du 1er octobre 2021, un passeport sera toutefois nécessaire pour se rendre en Grande Bretagne, que l’objet du séjour soit professionnel ou non.
Depuis le 1er janvier 2021, le Royaume-Uni s’est doté d’un système d’immigration à points. Tout salarié français (ou ressortissant de l’Union Européenne) souhaitant travailler en Grande Bretagne doit être muni d’un visa de travailleur qualifié (« skilled worker visa »).
Pour l’obtenir, les conditions suivantes doivent être satisfaites :
– Détenir une offre d’emploi venant d’un commanditaire agréé par le Home Office du niveau de la qualification requise ;
– Etre rétribué au seuil minimal de salaire pertinent par l’employeur (normalement 25 600 £ (28.408 euros) ou le taux en vigueur pour un travail en particulier, le plus élevé de ces deux montants étant retenu) ;
– Avoir un niveau d’anglais intermédiaire B1 (conformément au cadre européen commun de référence pour les langues).
En outre, l’employeur d’accueil devra disposer d’une licence de parrainage (« licensed sponsor ») pour recruter tout travailleur provenant de l’extérieur du Royaume-Uni. La licence est accordée par catégorie de travailleur. L’employeur français détachant un salarié au Royaume Uni devra donc vérifier que l’entité d’accueil détient une licence valide correspondant à la bonne catégorie de travailleurs.
Pour ces travailleurs, la France s’est dotée d’un régime particulier, qui varie selon que le ressortissant était résidant français avant ou après le 31 décembre 2020 et selon la durée du séjour en France.
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Contrairement, à ce que nous aurions pu espérer, la fin de la période de transition marque donc la fin effective de la libre circulation des travailleurs entre le Royaume Uni et la Grande Bretagne. S’il reste quelques mois aux transfrontaliers pour accomplir les formalités leur permettant de sécuriser la régularité de leur séjour, les ressortissants européens ne bénéficieront bientôt d’aucun traitement différencié par rapport à celui de l’ensemble des étrangers. Les salariés qui seront amenés à traverser la Manche, dans un sens ou dans l’autre, seront donc désormais contraints de se confronter aux arcanes du droit de l’immigration qui peuvent paraître aussi obscures et contraignantes de part et d’autre. Il conviendra donc à l’avenir d’être particulièrement vigilants avant de proposer aux salariés une mission professionnelle dans un pays pourtant accessible en à peine 2h30 d’Eurostar.