# Libertés & Droits Humains
Barème prud’homal : Rien ne va plus !

Depuis quelques mois, les divergences d’interprétation portant sur la conformité du barème prud’homal aux conventions internationales ne cessent d’agiter les prétoires.

Contrairement au Conseil de prud’hommes du Mans qui a validé le barème (lire notre article : « Barème prudhommal et droit européen : Saison I »), les Conseils de Prud’hommes de Troyes, de Lyon et d’Amiens le jugent contraire aux conventions internationales et, en conséquence, inapplicable.

Au mois de septembre 2018, le Conseil de prud’hommes de Troyes a, le premier, refusé d’appliquer le barème en se référant à la Convention 158 de l’OIT ainsi qu’à la Charte sociale européenne du 3 mai 1966 (lire notre article : « Barème prudhommal et droit international : Saison II »).

Trois nouvelles décisions viennent d’être rendues dans le même sens : l’une à Amiens et les deux autres à Lyon.

Le 19 décembre 2018, le Conseil de Prud’hommes d’Amiens a écarté l’application du barème et estimé que « si légalement, le barème se doit d’être appliqué », il y a lieu de contrôler s’il est en adéquation avec la Convention 158 de l’OIT.

Il a ensuite rappelé les dispositions de l’article 10 de cette Convention aux termes duquel :« Si les organismes mentionnés à l’article 8 de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n’ont pas le pouvoir ou n’estiment pas possible dans les circonstances d’annuler le licenciement et/ou d’ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée. »

Rappelant que dans l’affaire qui lui était soumise, le barème applicable prévoyait une indemnité d’un demi mois de salaire (il s’agit en fait d’un minimum), le Conseil de Prud’hommes d’Amiens a jugé que « (…) cette indemnité ne peut être considérée comme étant appropriée et réparatrice du licenciement sans cause réelle et sérieuse et ce dans le respect de la convention 158 de l’OIT ».

Le 21 décembre 2018, la section « activités diverses » du Conseil de Prud’hommes de Lyon a également rejeté l’application du barème en se fondant uniquement sur l’article 24 de la Charte sociale Européenne.

L’argumentaire juridique est pour le moins succinct :

« Attendu que l’indemnisation du salarié est évaluée à hauteur de son préjudice.

Attendu qu’aux termes de l’article 24 de la Charte Sociale Européenne du 3 mai 1996, ratifiée par la France le 7 mai 1999, est rappelé le principe suivant : « En vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s’engagent à reconnaître (…) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée ».

Partant de cette courte motivation, le Conseil de Prud’hommes a condamné la société au paiement de trois mois de salaire alors que la durée contractuelle de la salariée n’était que d’une journée.

En effet, au cas d’espèce, la salariée avait sollicité la requalification d’un nouveau CDD d’un jour en CDI en invoquant le fait qu’aucun contrat ne lui avait été remis.

Pour justifier ce quantum, les conseillers prud’hommes ont notamment retenu l’existence de contrats à durée déterminée conclus pendant plusieurs années avec l’intéressée démontrant la satisfaction de la société.

Enfin, le 7 janvier 2019, le Conseil de prud’hommes de Lyon, section « commerce », a rendu une nouvelle décision en se fondant sur les dispositions internationales dans une affaire dans laquelle le barème n’avait pas vocation à s’appliquer, les faits étant antérieurs à l’entrée en vigueur du barème.

En effet, le salarié avait été licencié le 2 juin 2014.

Compte tenu de son ancienneté inférieure à deux ans, la réparation allouée au tire du licenciement abusif devait correspondre « au préjudice subi ».

Après avoir visé les dispositions de l’article L1235-5 du Code du travail dans sa version antérieure applicable au litige, le Conseil de Prud’hommes de Lyon a rappelé les termes de l’article 10 de la Convention n°158 de l’OIT et de l’article 24 de la Charte sociale européenne et jugé que le contrôle du juge peut l’amener à « écarter la loi française pour faire prévaloir la Convention internationale dans la résolution du litige » posant ainsi les jalons de sa jurisprudence à venir.

Il ressort de l’analyse de l’ensemble des décisions écartant l’application du barème que les faits des espèces ont été perçus, à tort ou à raison, comme constituant un comportement inacceptable par les juges ou, à tout le moins, qui caractérise une particulière mauvaise foi de l’employeur, ce qui venait s’ajouter à l’absence de cause réelle et sérieuse, tel que le défaut de paiement du salaire ou encore l’absence de contrat de travail.

Le souhait d’écarter l’application du barème illustre-t-il le souhait de pénaliser ce type de comportement complémentaire à la rupture du contrat ?

La curiosité est grande désormais de connaître les positions des différentes Cours d’Appel et de la Cour de Cassation.

Celles-ci n’interviendront cependant pas avant plusieurs mois, voire années, laissant ainsi employeurs et salariés dans l’incertitude quant au mécanisme d’indemnisation qui sera, in fine, retenu.

Le cabinet La Garanderie Avocats ne manquera pas de vous tenir informé des avancées.

le 21/01/2019

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