# Rémunérations & Avantages Sociaux
Acquisition de congés payés pendant un arrêt maladie.

Dans plusieurs arrêts de ce 9 novembre 2023, la CJUE se penche une nouvelle fois sur la question de l’acquisition des congés payés pendant un arrêt maladie et plus particulièrement sur l’articulation entre l’article L. 3141-5 du Code du travail français et l’article 7 de la directive 2003/88, (CJUE, 9 novembre 2023, n° C‑271/22 à C‑275/22).

La CJUE devait en fait répondre à trois questions préjudicielles posées par le Conseil de Prud’hommes d’Agen :

  • L’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 est-il d’application directe ? On connait déjà la position de la Cour de cassation sur ce sujet. Sans surprise, cette applicabilité directe est confirmée par la CJUE....
  • Quelle est la durée de report raisonnable des quatre semaines de congé payé acquis, au sens de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 en présence d’une période d’acquisition des droits à congés payés d’une année ? La Cour se déclare incompétente sur ce sujet qui relève selon elle des instances nationales.
  • L’application d’un délai de report illimité à défaut de disposition nationale, réglementaire ou conventionnelle encadrant ledit report n’est-elle pas contraire à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 ?

Sur ce point la CJUE précise que « l’article 7 de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une législation nationale et/ou à une pratique nationale qui, en l’absence de disposition nationale prévoyant une limite temporelle expresse au report de droits à congé annuel payé acquis et non exercés en raison d’un arrêt de travail pour maladie de longue durée, permet de faire droit à des demandes de congé annuel payé introduites par un travailleur moins de quinze mois après la fin de la période de référence ouvrant droit à ce congé et limitées à deux périodes de référence consécutives. »

Elle indique ainsi garantir, à la fois la protection de l’employeur « confronté au risque d’un cumul trop important de périodes d’absence du travailleur et aux difficultés que celles-ci pourraient impliquer pour l’organisation du travail » et la possibilité pour le travailleur de « pouvoir disposer, au besoin, de périodes de repos susceptibles d’être échelonnées, planifiables et disponibles à plus long terme ».

Concrètement, en l’absence de disposition législative limitant le droit à report, la CJUE autorise donc des « pratiques nationales » à limiter le droit à report, en l’espèce à deux ans, soit l’intégralité de la demande des requérants.

Ce faisant, elle confirme donc la possibilité dont disposent les partenaires sociaux de fixer une limite au droit à report des congés.

En revanche, elle laisse subsister plusieurs questions:

  • Jusqu’où peut-on aller dans la limitation du droit à report ? La CJUE valide la demande des salariés sur deux années. Elle avait antérieurement considéré qu’il était possible de limiter le report à 15 mois (CJUE, 22 novembre 2011, Schulte, aff. C-214/10) mais pas à 9 (CJUE, 3 mai 2012, Neidel, aff. C-337/10). Surtout, elle rappelle que la période de report doit substantiellement dépasser la durée de la période de référence. Il parait donc difficilement envisageable d’aller en deçà de 15 mois.
  • Quelle est la nature de la « pratique nationale » qui pourra limiter ce droit à report en l’absence de disposition législative ? La voie de l’accord collectif semble évidemment ouverte, mais qu’en est-il de la décision unilatérale, du règlement intérieur comme l’a laissé penser la Cour d’Appel de Reims, voire de la jurisprudence comme l’espèrent certains commentateurs ?

Si ces arrêts ne donnent malheureusement pas de solution efficace aux employeurs pour sécuriser le passé, ils confirment néanmoins que les partenaires sociaux et, à défaut, les employeurs, peuvent et doivent se saisir du sujet pour l’avenir et prendre des mesures pour en limiter l’impact.

le 09/11/2023

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