# Libertés & Droits Humains
L'allongement du congé paternité : Un petit pas pour l'homme, un grand pas pour l'égalité ?

On ne naît pas père, on le devient…

C’est en 2001 que cette vérité a commencé à être traduite dans la Loi : un congé paternité est instauré pour la première fois par Ségolène Royal alors Ministre déléguée à la famille, et, sauf son extension aux couples de même sexe en 2013, il n’a pas évolué depuis.

Le 23 septembre dernier, le Président Macron a annoncé le doublement du congé paternité et le PLFSS pour 2021 adopté en Conseil des Ministres le 7 octobre reprend cet allongement.

Actuellement, le congé paternité se décompose en 3 jours de congé naissance et 11 jours calendaires consécutifs de congé paternité (C. trav., art. L. 1225-35). Pour les enfants nés ou adoptés à partir du 1er juillet 2021 et les enfants nés avant cette date alors que leur naissance présumée était postérieure au 30 juin 2021, le congé de paternité sera doublé : 3 jours de congé naissance et 25 jours calendaires, soit 28 jours (en cas de naissance multiple 32 contre 18 actuellement).

Le congé de paternité sera composé d’une première période de 4 jours calendaires consécutifs, faisant immédiatement suite au congé de naissance de 3 jours et d’une seconde période de 21 jours calendaires.

Un des enjeux à venir est la possibilité de prendre ce congé de 21 jours calendaires : une prise accolée au congé de naissance ou pas ? Une prise fractionnable ? Sur le principe, c’est oui, mais ses modalités seront définies par un prochain décret ; de même pour le délai de prévenance relatif aux dates de prise de congés ainsi qu’à leur durée, ces délais devraient être compris entre 15 jours et 2 mois.

On passe donc de 14 jours à 28… sans mauvais jeu de mot, la montagne accouche d’une souris !

En effet, ces deux semaines en plus ne sont pas à la hauteur de l’ambition qui prévalait lors de l’instauration par Emmanuel Macron en septembre 2019 de la commission « 1 000 premiers jours » de l’enfant, chargée de contribuer à la définition d’une nouvelle politique publique de la petite enfance.

Cette commission de 18 experts, présidée par le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, invite « à repenser les congés de naissance et parentaux afin qu’ils soient en phase avec les besoins des bébés et de leurs parents ». Dans son rapport remis le 8 septembre dernier à Adrien Taquet, Secrétaire d’État en charge de l’enfance et des familles, elle préconisait un allongement du congé paternité à 9 semaines, mais également de prolonger le congé post partum de la mère de 2 semaines pour qu’il atteigne 3 mois pleins et de mettre en place un congé parental de 9 mois, partageable entre les parents, comme en Suède ou en Norvège. La commission insiste sur la flexibilité de ce congé.

Ces préconisations ont pour but de tendre vers l’égalité entre les femmes et les hommes, en favorisant « le partage des tâches dès les premiers jours » de l’enfant. L’autre objectif affiché est de « permettre au père d’être présent dans le premier mois de la vie de son enfant » afin de favoriser le bon développement de ce dernier. Ce rapport encourage encore « la complémentarité conjugale et parentale autour du bébé et l’installation de configurations relationnelles qui tendent à rester stable dans le temps ».

Il appelle clairement au changement sociétal. De fait, les statistiques sont là : le partage des tâches parentales pèse davantage sur la mère que sur le père. Ainsi, la flexibilisation dans la prise du congé de paternité en permettant au père d’en prendre une partie après la naissance, et une autre à l’issue du congé maternel, et surtout en partageant le congé parental entre les parents permettrait au père de pouvoir à son tour assurer et assumer l’enfant en étant seul à la maison. Le père ne serait plus seulement un « assistant » de la mère pendant son congé maternité. Seul parent présent avec l’enfant, le père pourrait pleinement et durablement développer la responsabilité de parent et s’approprier la sphère domestique.

Que la Loi permette que s’opère un véritable partage de la charge mentale, voilà qui répond aux attentes des nouvelles générations, car on sait qu’une naissance renforce le plus souvent les inégalités domestiques entre les sexes, ce qui a inévitablement des conséquences en matière professionnelle.

Le congé paternité et le congé parental du père est donc un véritable enjeu. Mais comment inciter les pères à prendre leurs congés ?

Les chiffres sont dramatiques : seulement 67-69% (rapport IGAS 2018) des pères prennent leur congé paternité, le chiffre est moindre chez les salariés en CDD.

La commission prend dès lors position et souligne le rôle que l’entreprise a à jouer pour encourager ces congés, en reconnaissant et soutenant la parentalité des salariés. Comme le rappelle la commission : « 8 salariés sur 10 sont parents et tous participent à l’équilibre de la société et à la croissance de l’économie par la natalité. Les problématiques et opportunités parentales des employés sont d’une importance fondamentale pour le bon fonctionnement des entreprises ».

La commission va plus loin, et préconise des actions volontaristes, une « politique inclusive » pour une reconnaissance accrue de la parentalité au sein des entreprises. Le rapport ajoute qu’une plus grande flexibilité d’horaires est nécessaire aux salariés. Et pour les experts, « loin de poser des freins à l’efficacité des entreprises, une telle flexibilité encourage la productivité et augmente la satisfaction au travail ».

Espérons que ce doublement ne soit qu’un premier pas et que le décret à venir ira dans le sens de la flexibilité ; pour autant, les entreprises doivent se saisir de cette opportunité également pour « soutenir » la parentalité, en assurant une plus grande égalité entre les sexes.

Cette inspiration, il faut aller la chercher, comme souvent, vers nos voisins européens du nord, la Suède, la Norvège, où le congé parental doit être partagé entre le père et la mère, ou encore la Finlande où une Loi de 1996 (!) donne la possibilité aux salariés d’ajuster les horaires habituels de travail jusqu’à 3 heures plus tard ou plus tôt.

Si la France est à la traîne, donnons-nous tout de même un satisfecit par rapport à nos voisins suisses : ils viennent d’adopter par référendum (60,3% de oui – il y a donc eu près de 40% contre !) un congé paternité de 2 semaines, contre 2 jours auparavant. Non sans humour, un partisan déclare : « Le congé paternité dispose enfin de plus de temps qu’un déménagement » !

Lien disponible : https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport-1000-premiers-jours.pdf

le 15/10/2020

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