# Libertés & Droits Humains
Bas les masques : L’employeur peut désormais se servir de Facebook comme moyen de preuve

Une nouvelle fois, la Cour de cassation a été amenée à se prononcer sur l’articulation entre la vie privée d’un salarié, partagée parfois avec sa communauté digitale, et la réserve qui doit résulter de sa qualité de salarié.

En effet, si chaque salarié a le droit à sa liberté d’expression (notamment à travers les réseaux sociaux), celui-ci n’est pas absolu.

L’article L. 1121-1 du Code du travail précise que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».

Dans le domaine de la vie privée, le Code du travail est complété par l’article 9 du Code civil qui dispose que « chacun a droit au respect de sa vie privée » et l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme garantit également cette liberté.

Au regard de ce corpus juridique, l’employeur peut s’immiscer si les mesures imposées sont « justifiées par la nature de la tâche à accomplir ou proportionnées au but recherché ».

Les réseaux sociaux ont modifié tant les modes d’expression que les contenus librement exprimés et diffusés et aussi parfois le choix des destinataires. La Cour de cassation a logiquement été amenée à se prononcer sur l’articulation entre les publications et la qualité de salarié et la question sous-jacente, rencontrée dans de nombreux dossiers contentieux : L’employeur peut-il utiliser l’expression « numérique » du salarié à l’appui d’une sanction disciplinaire ?

Dans un premier temps, la Cour de cassation avait pris une position au regard du caractère « accessible » de la publication pour retenir ou non le caractère « privé » de la publication.

Dans un arrêt du 10 avril 2013 (n°11-19.530), la 1ere chambre civile de la Cour de cassation a ainsi retenu le fait que les propos litigieux « n’étaient en l’espèce accessibles qu’aux seules personnes agréées par l’intéressée, en nombre très restreint » pour rejeter le caractère « public » des publications.

Cette notion a été reprise par la Chambre sociale, dans un arrêt du 12 septembre 2018 (n°16-11.690), relevant que « les propos litigieux avaient été diffusés sur le compte ouvert par la salariée sur le site Facebook et qu’ils n’avaient été accessibles qu’à des personnes agréées par cette dernière et peu nombreuses, à savoir un groupe fermé composé de quatorze personnes, de sorte qu’ils relevaient d’une conversation de nature privée ».

Semblait ainsi acquise une distinction claire entre les comptes « privés » et les comptes « ouverts ».

Toutefois, après avoir reconnu les conséquences protectrices de la sphère privée, la Cour de cassation, par un arrêt du 30 septembre 2020 (n°19-12.058), apporte un tempérament à ce principe.

Ainsi, la Haute Cour précise désormais que « le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi ».

Dans cette affaire, la Cour de cassation a donc confirmé l’arrêt de la Cour d’appel ayant retenu la production en justice par l’employeur d’une photographie extraite du compte privé Facebook d’une salariée.

Nul doute que la Cour de cassation a tenu compte de la gravité des faits de l’espèce, à savoir la « divulgation par la salariée d’une information confidentielle de l’entreprise auprès de professionnels susceptibles de travailler pour des entreprises concurrentes » puisque la publication concernait la photo d’une nouvelle collection.

A ce titre, il convient de souligner que l’employeur produisait évidemment l’extrait avec la photographie objet du litige, mais avait également pris soin de communiquer les éléments permettant de démontrer que certains des « amis » de la salariée travaillaient dans le même secteur d’activité. La publication supposée confidentielle avait donc pu être vue par des entreprises concurrentes.

Au travers de cet arrêt, la Cour de cassation, au terme de l’attendu selon lequel « cette production d’éléments portant atteinte à la vie privée de la salariée était indispensable à l’exercice du droit à la preuve… » a reconnu un droit pour l’employeur.

Les conditions « de droit proportionné au but poursuivi, soit la défense de l’intérêt légitime de l’employeur à la confidentialité de ses affaires », permettent à l’employeur de rapporter la preuve par la référence à la violation d’éléments qui relèvent de la sphère privée. La haute juridiction analyse dans le même temps le contenu des échanges sur les réseaux sociaux et leurs mécanismes de diffusion.

Est donc désormais ouverte à l’employeur, dans certains cas, la faculté d’utiliser des informations issues de comptes privés à l’appui de sanctions disciplinaires.

A l’image de cet assouplissement apportée par la jurisprudence, le droit est donc bien en mouvement permanent. Nous espérons retrouver nos clients pour évoquer l’ensemble des nouveautés de ces dernier mois lors du prochain Club RH organisé par La Garanderie Avocats le 20 novembre prochain (clubrh@lagaranderie.fr)

le 02/10/2020

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