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Mar 2017
06
Préjudice d’anxiété : Cassation Sociale 11 janvier 2017, un point final ?
Un siècle s’est écoulé entre le rapport de l’« Inspecteur en Chef des Usines » anglais, démontrant les risques de l’amiante, et le vote par l’Assemblée Nationale le 23 décembre 1998, de l’article 41 (loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999), qui institue un mécanisme de départ anticipé pour les travailleurs ayant été exposés à l’amiante.
Entre ces deux dates, pouvoirs publics, industriels, syndicats, au nom d’intérêts parfois divergents parfois convergents, auront agi avec une improvisation peu conforme à l’intérêt général.
Le mécanisme mis en place par l’article 41 précité consiste à identifier des établissements de fabrication de matériaux contenant de l’amiante afin de permettre aux salariés de ces établissements de bénéficier d’un régime de cession d’activité anticipée. Ainsi, les activités légalement retenues comme entrainant une forte exposition aux poussières d’amiante sont, hormis les secteurs de la construction et de la réparation navale, celui de la fabrication de matériaux contenant de l’amiante et le calorifugeage ou le flocage à l’amiante.
L’inscription d’un établissement sur la liste ouvre le bénéfice de l’allocation de cessation anticipée d’activité (ACAATA) pour tous les salariés de cet établissement, y compris, par exemple, ceux des services administratifs a priori non exposés.
Nombre de salariés éligibles à ce dispositif particulier ont estimé que l’allocation versée ne les indemnisait pas intégralement du préjudice né de leur exposition à l’amiante. C’est dans ces conditions qu’ils ont fait valoir que le risque de développer une maladie en relation avec cette exposition leur causait un préjudice non réparé par le bénéfice de l’ACAATA et ont sollicité l’allocation de dommages et intérêts.
Le raisonnement était simple : si l’exposition à l’amiante fait l’objet d’un régime particulier de cessation d’activité anticipée, c’est qu’il existe un risque de développer une maladie, parfois mortelle, et ce risque ne permet plus de se projeter dans l’avenir ni de l’envisager sereinement.
Les demandes tendaient à obtenir la réparation de deux préjudices distincts, un trouble dans les conditions d’existence et un préjudice d’anxiété.
La Cour de Cassation a consacré le préjudice d’anxiété le 11 mai 2010 à travers plusieurs arrêts (n° 09-42241 à 09-42257) reconnaissant que les salariés « qui avaient travaillé dans un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi de 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l’amiante ou des matériaux contenant de l’amiante, se trouvaient par le fait de l’employeur dans une situation d’inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante et étaient amenés à subir des contrôles et examens réguliers propres à réactiver cette angoisse subissaient un préjudice spécifique d’anxiété ».
Au-delà de cette décision, un arrêt du 4 décembre 2012 retirera la condition liée à la justification d’un suivi médical et un arrêt du 25 septembre 2013 définira définitivement le préjudice d’anxiété en jugeant que « l’indemnisation accordée au titre du préjudice d’anxiété répare l’ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d’existence, résultant du risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante ».
Construisant le préjudice d’anxiété, la Cour de Cassation a dû définir les conditions d’éligibilité.
C’est ainsi que la chambre sociale imposa alors aux juridictions du fond une quasi gestion automatique avec l’interdiction d’exiger des demandeurs de justifier de leur état de santé, d’une éventuelle anxiété, d’un suivi médical ou de leurs conditions d’existence. La formulation de la demande était suffisante.
Telle est la portée de l’arrêt du 2 avril 2014 (n° 12-28.616 à 12-28.653).
Dès lors que les demandeurs avaient travaillé dans l’un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l’amiante ou des matériaux contenant de l’amiante, avaient droit à une indemnisation pour réparer leur préjudice d’anxiété.
Les seules pièces à produire étaient un certificat de travail et l’arrêté de classement de l’établissement dans lequel le salarié avait travaillé.
Les arrêts de 2010, 2012 et 2014, rendaient compte de la jurisprudence de la Cour de Cassation consistant à indemniser au mieux les salariés exposés à l’amiante en complétant le dispositif légal par une politique judiciaire consacrée à ce contentieux de masse inédit.
La voie de l’indemnisation du préjudice d’anxiété était ainsi, le plus largement ouverte, le nombre des demandes allaient croissant. Les dommages et intérêts étaient attribués pour des montants passant de 20.000 euros au début du contentieux à 6.000 dans la dernière période.
Par un arrêt du 3 mars 2015 (n° 13-20486), la chambre sociale de la Cour de Cassation a limité strictement l’indemnisation du préjudice aux salariés remplissant les conditions prévues par l’article 41 de la loi.
Jurisprudence confirmée par un arrêt du 17 février 2016 (n°14-24011) dont la rédaction ne laisse aucune place à l’interprétation : « la réparation du préjudice d’anxiété n’est admise, pour les salariés exposés à l’amiante, qu’au profit de ceux remplissant les conditions prévues par l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et l’arrêté ministériel ».
De nouveau, le 11 janvier 2017 (n°15-50080 à 15-50091), la chambre sociale de la Cour de Cassation a censuré l’arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux qui avait accordé une indemnisation de 500 euros à un salarié d’une société non éligible au dispositif de CAATA mais qui invoquait un préjudice d’anxiété pour avoir été exposé à l’inhalation de fibres d’amiante dans le cadre d’un chantier de sous-traitance effectué au sein d’un établissement d’une société cliente qui l’était.
Sans ambigüité, la décision réaffirme : « le salarié exposé à l’amiante ne peut obtenir réparation du préjudice spécifique d’anxiété par une demande dirigée contre une société qui n’entrait pas dans les prévisions de l’article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ».
La Cour de Cassation affiche clairement la volonté de mettre un coup d’arrêt à la multiplication des contentieux relatifs au préjudice d’anxiété, mettant ainsi un terme au coût économique et social de cette jurisprudence.
Le courant jurisprudentiel est parallèle à celui enregistré pour les « préjudices d’exposition » concernant d’autres expositions au risque d’autres produits (http://www.lagaranderie.fr//actualites/prejudice-dexposition-a-des-produits-nocifs-pas-dindemnisation-automatique/)
Ce coup d’arrêt est de nature à rassurer les employeurs, qui voient s’éloigner le spectre d’une indemnisation automatique, en quelque sorte administrative et forfaitaire pour l’exposition à l’amiante au profit du retour au droit commun de la responsabilité.
Le Conseil d’Etat dans un arrêt du 9 novembre 2015 (n° 342468), avait rappelé les autorités publiques à leur obligation : « si, en application de la législation du travail désormais codifiée à l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur a l’obligation générale d’assurer la sécurité et la protection de la santé des travailleurs placés sous son autorité, il incombe aux autorités publiques chargées de la prévention des risques professionnels de se tenir informées des dangers que peuvent courir les travailleurs dans le cadre de leur activité professionnelle, compte tenu notamment des produits et substances qu’ils manipulent ou avec lesquels ils sont en contact, et d’arrêter, en l’état des connaissances scientifiques et des informations disponibles, au besoin à l’aide d’études ou d’enquêtes complémentaires, les mesures les plus appropriées pour limiter et si possible éliminer ces dangers ».
Il est regrettable que ce coup d’arrêt se fasse au prix d’une inégalité de traitement entre les salariés exposés à l’amiante, d’autant que la solution jurisprudentielle précédente était elle-même critiquée par les syndicats CFTC, CFE-CGC, CGT, FO et les associations ANDEVA et FNATH, qui dénonçaient le 30 avril 2008 dans un communiqué commun lors du dépôt du rapport Le Garrec, un système d’indemnisation injuste !
La Cour des Comptes a également dénoncé cette même réalité dans son rapport 2014.
L’anxiété est un sentiment douloureux et légitime, mais ne peut être indemnisé en tant que tel hors d’un risque et, en conséquence d’un préjudice, reconnu par l’identification des pouvoirs publics.
Vincent Campion