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Fév 2017
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Laïcité et religion du salarié : Une articulation qui reste difficile
Par un arrêt du 1er février dernier, la Cour de cassation a annulé un licenciement fondé sur les convictions religieuses d’une salariée (Cass. Soc., 1er février 2017, n° 16-10.459).
Si la solution peut paraître traditionnelle, les faits de l’espèce le sont beaucoup moins.
En effet, depuis une loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer, les agents de contrôle de la RATP doivent prêter serment devant le Tribunal de Grande Instance pour pouvoir dresser des procès-verbaux d’infraction.
La loi ne va pas toutefois jusqu’à fixer la formule à prononcer dans le cadre de cette prestation de serment.
En l’espèce, un agent contrôleur de la RATP avait expressément souscrit à cette obligation en signant un contrat de travail, lequel prévoyait que son intégration dans les effectifs de la RATP était subordonnée à l’obtention de son assermentation.
Devant le magistrat, la salariée a cependant refusé de prononcer la formule traditionnelle « Je jure… » en faisant valoir que ses convictions religieuses, dont elle n’avait jamais fait état auparavant, lui interdisaient de jurer. Elle a ainsi proposé de remplacer la formule « je jure » par « je m’engage… ».
Le magistrat ayant refusé cette alternative, il a fait mentionner dans le procès-verbal que la religion de l’intéressée lui interdisait de prêter le serment prévu par la loi. L’intéressée n’était donc pas assermentée.
La salariée a très rapidement été licenciée pour faute grave au motif qu’elle n’avait pas obtenu, dans ces conditions, son assermentation devant le tribunal.
Les juges du fond ont estimé que le licenciement était justifié.
Saisie d’un pourvoi, la chambre sociale de la Cour de cassation adopte une position opposée en considérant que « le serment des agents de surveillance exerçant au sein des entreprises visées par cette disposition peut être reçu selon les formes et usages dans leur religion » et donc que « la salariée n’avait commis aucune faute en proposant une telle formule et que le licenciement prononcé en raison des convictions religieuses de la salariée était nul ».
Cette position nous semble critiquable à plusieurs égards.
En premier lieu, au cas particulier, ce n’était pas l’employeur qui avait refusé que la prestation de serment soit formulée différemment mais bien le magistrat. Dès lors, l’absence de réalisation de la condition impérieuse prévue dans le contrat de travail ne lui était pas directement imputable et s’imposait à lui.
Or, si la Cour de cassation estime que le magistrat a adopté une position discriminatoire, c’est néanmoins l’employeur seul qui en supporte les conséquences puisqu’en prononçant la nullité du licenciement, la Haute Juridiction permet à la salariée, si elle le désire, de solliciter la réintégration ainsi que le versement de l’intégralité de ses salaires pour la période allant de son licenciement jusqu’à la date la réintégration ce qui, compte tenu des délais couvre plusieurs années, en l’occurrence 10 ans puisque licenciement avait été prononcé en 2007.
De surcroît, l’arrêt du 1er février 2017 a renvoyé l’examen de l’affaire au fond devant une nouvelle Cour d’Appel qui ne se prononcera pas avant plusieurs mois.
En second lieu, et surtout, cette décision nous apparait en contradiction avec la jurisprudence traditionnelle de la Cour de cassation qui considère que, si toute discrimination fondée sur la religion doit être prohibée, les croyances religieuses ne devraient pas octroyer de droits supplémentaires au salarié.
Or, si la salariée avait refusé de prêter serment pour toute autre raison que l’exercice de sa liberté religieuse, nul doute que son licenciement aurait été fondé.
Dès lors, en sanctionnant l’employeur, la Cour de cassation adopte une position proche de l’exigence d’« accommodement raisonnable » qui prédomine en la matière dans les pays anglo-saxons.
En effet, aux Etats-Unis, au Canada et en Grande-Bretagne, l’employeur a l’obligation d’assouplir certaines normes qui peuvent conduire à créer une discrimination pour tenir compte des besoins particuliers liés notamment à l’exercice d’une religion, à condition que cela n’entraîne pas une contrainte excessive pour l’employeur.
C’est exactement ce que fait la Cour de cassation en l’espèce en estimant, comme l’avait déjà fait la chambre criminelle en 1987 (Cass. Crim, 6 mai 1987, n° 86-95.871) s’agissant des témoignages en justice, que les formules de serment peuvent être modifiées en raison des convictions religieuses.
Cette position est étonnante au regard du droit positif français qui n’impose pas à l’employeur une quelconque adaptation des règles applicables dans l’entreprise pour satisfaire à des demandes à caractère religieux.
Faut-il y voir le début d’une inflexion de jurisprudence qui tendrait à imposer à l’employeur une prise en compte particulière des impératifs présentés comme religieux ?
Si la nouvelle Cour d’Appel saisie devait résister en maintenant la position auparavant adoptée par les juges du fond comme ce fut le cas dans la récente affaire Baby loup, il reviendrait alors à l’Assemblée plénière, qui semble très attachée au respect de l’obligation de laïcité, de trancher.
Cette affaire ne fait cependant que rappeler à quel point la gestion du fait religieux en entreprise est périlleuse et nécessite de la part de l’employeur une réflexion approfondie avant toute référence et décision relative à ce fait. Au cas particulier, la solution aurait peut-être été différente si l’employeur avait constaté la non réalisation d’une condition prévue au contrat au lieu de licencier la salariée pour faute grave. La Cour de cassation a en effet déjà eu l’occasion de préciser que, si la conclusion définitive du contrat est subordonnée à une condition qui n’est pas réalisée, le contrat doit être considéré comme n’ayant pas été conclu, nonobstant le versement d’avances sur salaire (Cass. soc. 14 mai 1987 n° 84-45.249). C’est probablement une telle voie qu’il aurait fallu recommander à l’employeur.
Justine Godey