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La Loi Sapin II (1 juin 2017) : Alerte ! Lutte contre la corruption, de nouvelles obligations pour les entreprises
La loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence et à la lutte contre la corruption, dite « Loi Sapin II » contient des dispositions qui créent des obligations en matière de recueil d’alerte professionnelle, de prévention et de lutte contre la corruption pour les entreprises au-delà même de la directive de 2016 qui l’a inspirée.
La loi Sapin est ainsi issue d’un long processus d’évolution car la France n’a pas été activiste pour la mise en place des dispositions qui sont en vigueur depuis plusieurs années dans d’autres pays de l’OCDE, dont en premier lieu les Etats-Unis.
En effet, la France a eu retenue et circonspection avant de légiférer sur les dispositifs de « whistleblowing » traduit de l’anglais « alerte professionnelle ».
Diverses lois sectorielles ont, ces dernières années, accordé un domaine spécifique de protection aux lanceurs d’alerte, en matière de discrimination, de corruption, de harcèlement moral ou sexuel, de conflits d’intérêts concernant un responsable public, en matière de santé publique, d’environnement, etc… Dans le même temps, les titres de journaux français étaient à cet égard assez révélateurs : « Métro, boulot, corbeau » ou encore « Pas de crédit pour la machine à cafter ».
Forte de cette tradition française, le 26 mai 2005, la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL) avait refusé l’autorisation de mise en œuvre d’un dispositif d’intégrité professionnelle du Groupe Mc Donald’s France permettant aux collaborateurs des filiales françaises de signaler à la société mère des comportements de leurs collègues de travail supposés contraires aux lois françaises ainsi qu’au Code d’éthique.
Ce sont des raisons historiques et culturelles qui rendent la France réticente à toute évocation de la possibilité de dénonciation.
Pour la CNIL, cela « pourrait conduire à un système organisé de délation professionnelle, […] la possibilité de réaliser une alerte éthique de façon anonyme ne pourrait que renforcer le risque de dénonciation calomnieuse » (Délibération n°2005-110, 26 mai 2005).
Après une phase de réflexion, la CNIL a élaboré le 10 novembre 2005 un « document d’orientation » portant sur la limitation du champ de l’alerte aux questions financières et sur la dissuasion des dénonciations anonymes, puis, a adopté une délibération le 8 décembre 2005 fixant les conditions de licéité du système d’alerte au regard de la « Loi Informatique et libertés » du 6 janvier 1978.
La chambre sociale de la Cour de cassation militait quant à elle, depuis les années 2000, en faveur du dispositif d’alerte en refusant de considérer que le fait pour un salarié de porter à la connaissance de l’inspecteur du travail ou du Procureur de la République des faits, concernant son entreprise lui paraissant anormaux et constituait une faute, qu’ils soient ou non susceptibles de qualification pénale, (Cass. Soc., 14 mars 2000, n°97-43.268 ; 29 septembre 2010, n°09-41.543).
C’est donc au terme d’un long processus d’évolution des esprits qu’en 2016, le Gouvernement a confié au Conseil d’Etat une mission de réflexion sur la mise en cohérence des dispositifs d’alerte éthique. Une étude a été menée sur le thème « Le droit d’alerte : signaler, traiter, protéger » par l’Assemblée générale plénière du Conseil d’Etat le 25 février 2016.
Selon le Conseil d’Etat, « les dispositifs existants […] ne forment pas un ensemble cohérent et ne sont pas suffisamment précis quant à la définition du lanceur d’alerte et aux procédures à mettre en œuvre pour recueillir et traiter les alertes ».
La protection des lanceurs d’alerte s’avérait également insuffisante.
Un sondage réalisé en décembre 2015 par Harris Interactive pour Transparency International France démontrait que près de 40 % des sondés, préfèreraient, s’ils étaient confrontés à un acte de corruption sur leur lieu de travail, en parler à un collègue plutôt qu’à une autre personne ou instance, et ce, par peur de représailles pour 39 % d’entre eux.
On a donc considéré que le moment était venu de légiférer afin de bâtir un dispositif harmonisé et protecteur.
Un raisonnement similaire a pu être adopté s’agissant de la lutte contre la corruption puisqu’en 2016, la France reste classée au 23ème rang mondial selon l’indice de perception de corruption par Transparency International. Elle est régulièrement critiquée par les autorités étrangères dans sa participation à la lutte contre la corruption internationale. Ce rang serait révélé notamment par l’insuffisance en nombre de poursuites et condamnations.
Depuis qu’elle a ratifié en 2000 une convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption, la justice française n’a en effet prononcé aucune condamnation définitive à l’encontre d’une entreprise française pour des faits de corruption internationale, délit pourtant inscrit à l’article 435-3 du Code pénal alors que dans le même temps la justice américaine n’a pas hésité à prononcer des amendes record à l’encontre de sociétés françaises : 338 millions de dollars pour la société Technip, 245 millions de dollars pour Total et, enfin, de 772 millions de dollars pour Alstom, pour des faits de corruption dans un cadre international.
Sous la pression des organisations internationales et des autorités étrangères, la France a donc dû réagir en renforçant sa législation en matière de lutte contre la corruption et d’une manière générale d’alertes professionnelles, ce qui entraîne deux échéances pour les employeurs :
- Pour le 1er juin 2017 : L’élaboration d’un programme anti-corruption
Dès le 1er juin 2017, les nouvelles dispositions de la « Loi Sapin II », inspirées du « UK Bribery Act », obligent les sociétés d’au moins 500 salariés et dont le chiffre d’affaires est supérieur à 100 millions d’euros, ou appartenant à un groupe de sociétés réunissant ces conditions et dont la maison mère a son siège en France de se doter d’un programme de conformité.
Ce programme devra comporter outre une procédure de recueil des alertes :
- un code de conduite anti-corruption intégré au règlement intérieur,
- une cartographie des risques qui aura pour objet d’identifier, analyser et hiérarchiser les risques d’exposition de la société à des sollicitations externes aux fins de corruption, en fonction notamment des secteurs d’activités et des zones géographiques dans lesquels la société exerce son activité,
- des procédures d’évaluation de la situation des clients, des fournisseurs de premier rang et des intermédiaires,
- des procédures de contrôles comptables internes ou externes, destinées à s’assurer que les livres, registres et comptes ne sont pas utilisés pour masquer des faits de corruption ou de trafic d’influence,
- un dispositif de formation destiné aux cadres et aux personnels les plus exposés aux risques de corruption ou de trafic d’influence,
- l’instauration d’un régime de sanction disciplinaire en cas de violation du code de conduite,
- et, un dispositif de contrôle et d’évaluation interne des mesures mises en œuvre.
L’Agence Française Anticorruption, agence créée par la « Loi Sapin II », contrôlera le respect de cette obligation et disposera de véritables pouvoirs d’investigation et de sanction, dont le montant des amendes pourra atteindre 200.000 € à l’encontre des dirigeants personnes physiques et 1.000.000 € pour les entreprises.
L’ensemble de ces mesures illustre la volonté des autorités françaises d’obliger les entreprises et leurs dirigeants à lutter contre la corruption.
Ainsi, l’enjeu sera de faire vivre ces nouveaux dispositifs de lutte contre la corruption dans une démarche de sensibilisation des collaborateurs, de prévention des risques et respect de l’éthique de l’entreprise.
- Pour le 1er janvier 2018 : L’instauration d’une procédure de recueil des alertes professionnelles
Les nouvelles dispositions de la « Loi Sapin II » ont créé un socle de protection commun à tous les lanceurs d’alerte. Leur intérêt est double, elles participent à la nécessaire protection de celui qui lance une alerte dans l’intérêt général mais également à la protection de ceux qui pourraient être l’objet d’une alerte qui se révélerait finalement malveillante ou infondée.
Selon l’article 6 de la Loi, le statut de lanceur d’alerte est réservé à la personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance.
A compter du 1er janvier 2018, les entreprises d’au moins 50 salariés auront désormais l’obligation de mettre en place une procédure de recueil des signalements émis par le personnel de l’entreprise ou par des collaborateurs extérieurs et occasionnels. Une procédure commune aux entreprises appartenant à un même groupe peut être mise en œuvre.
La loi a été complétée par les modalités de mise en place détaillées par le décret d’application n°2017-564 du 19 avril 2017.
Il résulte de ces textes que la procédure de recueil des signalements doit suivre, de manière graduée, trois étapes :
- le salarié doit, en premier lieu, porter le signalement à la connaissance du supérieur hiérarchique, direct ou indirect, de l’employeur ou d’un référent désigné par ce dernier : ce premier canal donne l’opportunité à l’entreprise de traiter le problème en interne avant qu’une alerte publique ne soit lancée ;
- si l’employeur n’a pas vérifié la recevabilité du signalement dans un délai raisonnable, le salarié peut adresser celui-ci à l’autorité judiciaire ou aux ordres professionnels ;
- et, enfin, ce n’est qu’en dernier ressort, à défaut de traitement de l’alerte par les autorités, dans les trois mois de leur saisine, que le salarié peut la rendre publique.
Par exception, l’alerte peut être portée directement à la connaissance des autorités et être rendue publique en cas de danger grave et imminent ou en présence de dommages irréversibles.
Il est à noter que les représentants du personnel ne sont pas compétents pour recueillir les signalements mais peuvent, en revanche, accompagner les salariés lanceurs d’alerte dans leur démarche.
La procédure doit préciser les modalités selon lesquelles l’auteur du signalement adresse son signalement au supérieur hiérarchique, direct ou indirect, à l’employeur ou au référent désigné, fournit les faits, informations ou documents quel que soit leur forme ou leur support de nature à étayer son signalement lorsqu’il dispose de tels éléments et fournit les éléments permettant, le cas échéant, un échange avec le destinataire du signalement.
Elle doit également fixer les modalités selon lesquelles l’entreprise :
- informe sans délai l’auteur du signalement de la réception de celui-ci, ainsi que du délai raisonnable et prévisible nécessaire à l’examen de sa recevabilité et des modalités suivant lesquelles il est informé des suites données à son signalement ;
- garantit la stricte confidentialité de l’auteur du signalement, des faits objets du signalement et des personnes visées, y compris en cas de communication à des tiers dès lors que celle-ci est nécessaire pour les seuls besoins de la vérification ou du traitement du signalement ;
- détruit les éléments du dossier de signalement de nature à permettre l’identification de l’auteur du signalement et celle des personnes visées par celui-ci lorsqu’aucune suite n’y a été donnée, ainsi que le délai qui ne peut excéder deux mois à compter de la clôture de l’ensemble des opérations de recevabilité ou de vérification.
L’entreprise devra informer ses salariés par tout moyen de l’existence de la procédure de recueil des signalements.
Enfin, notons que toute personne qui fait obstacle à la transmission d’un signalement s’expose à des sanctions pénales, pouvant aller jusqu’à un an d’emprisonnement et à 15.000 € d’amende.
Cette nouvelle procédure d’alerte professionnelle délègue ainsi aux lanceurs d’alerte dès aujourd’hui le rôle de vigiles de l’éthique.
Mélissa Benabou