La « loi travail » du 8 août 2016 a inséré dans le Code du travail les articles L. 2232-36 à L. 2232-38 consacrant ainsi la reconnaissance et les règles applicables aux accords interentreprises. L’article L. 2232-36 dispose ainsi qu’ « un accord peut être négocié et conclu au niveau de plusieurs entreprises entre, d'une part, les employeurs et, d'autre part, les organisations syndicales représentatives à l'échelle de l'ensemble des entreprises concernées. »
Pour les travaillistes que nous sommes, l’accord conclu entre plusieurs entreprises le plus fréquemment rencontré est l’accord reconnaissant l’existence d’une Unité Economique et Sociale entre plusieurs entreprises qui se dotent par cet accord d’institutions du personnel communes et permettent à tous les collaborateurs, y compris d’entreprises membres de l’UES dont l’effectif serait inférieur à 50 salariés, de bénéficier de la participation éventuellement dégagée.
La reconnaissance des accords interentreprises aurait donc pu apparaître comme une volonté du législateur de mettre un terme à un débat ancien sur la qualification de l’accord d’UES qui avait tour à tour été considéré par la Cour de cassation comme ayant la nature d’un protocole d’accord préélectoral qui devait donc être signé par l’unanimité des signataires (Cass. soc., 31 mars 2009, n°08-60.494) puis comme un accord collectif de droit commun qui devait être signé par les syndicats représentatifs au sein des entités faisant partie de cette UES (Cass. soc., 14 novembre 2013, n°13-12.712).
Telle n’est pourtant pas la position de la Cour de cassation qui, dans son arrêt du 6 mars 2024 (n°22-13.672), a estimé que "l'accord collectif portant reconnaissance d'une UES, dont l'objet est essentiellement de mettre en place un CSE selon les règles de droit commun prévues par le code du travail, ne constitue ni un accord interentreprises qui permet la mise en place (...) d'un CSE spécifique entre des entreprises d'un même site ou d'une même zone, ni un accord interentreprises permettant de définir les garanties sociales des salariés de ces entreprises".
La Cour de cassation en déduit que ce type d’accord ne relève pas de l’article L. 2232-36 du Code du travail. L’accord de reconnaissance ou de révision d'une UES n'étant pas un accord interentreprises, il n’est donc pas possible d'appliquer le régime juridique de ce type d'accords pour exclure de la négociation sur l'UES les syndicats non-représentatifs au niveau global de l'UES.
En l’espèce, le syndicat UNSA, représentatif au sein de l’UES Capgemini demandait à ce qu’il soit ordonné qu’il soit invité à participer aux négociations relatives à l’extension de l’UES Capgemini aux sociétés Altran et Altran Connected quand bien même il ne serait pas représentatif sur l’ensemble du périmètre.
La Cour de cassation lui donne raison en indiquant que toutes les organisations syndicales représentatives présentes dans les entités concernées doivent être invitées à participer à la négociation de l’accord visant à réviser son périmètre et non uniquement celles dont la représentativité couvre toute l’UES.
La Haute Juridiction ne saisit donc pas la possibilité qui lui était donnée de simplifier le régime de conclusion et de révision de l'accord d’UES dont la validité reste subordonnée à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli, dans chaque société du périmètre concerné, plus de 50% des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections. L’arrêt ne précise pas comment intégrer dans l’UES des entreprises qui ne seraient pas dotées de représentants du personnel et qui souhaiteraient précisément intégrer une UES pour en acquérir…