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Barèmes "Macron" : Les Cours d'appel se prononcent... et les divergences demeurent

Alors que la Cour de cassation a rendu deux avis précisant que le dispositif des barèmes Macron était compatible avec les textes internationaux (cf notre article https://lagaranderie.fr/?p=2044 ), le débat n’est pas clos devant les juges du fond.

La résistance de certains Conseils de Prud’hommes a été parfois relevée, à l’image de la décision rendue par le juge départiteur du Conseil de Prud’hommes de Grenoble le 22 juillet 2019 (RG n°18/00267) qui précisait explicitement que « l’avis rendu par la Cour de Cassation le 17 juillet 2019 (…) ne constitue pas une décision au fond ».

Dans ce contexte, les premières décisions de Cours d’appel étaient attendues avec un intérêt… qui n’est pas déçu.

La Cour d’appel de Reims s’est prononcée le 25 septembre 2019 (RG n°19/00003) puis la Cour d’appel de Paris le 30 octobre dernier (RG n°16/05602).

Ecartant la discussion sur l’application directe des règles de l’OIT ou de la Charte Européenne, les juges rémois ont validé les « Barèmes Macron » de l’article L. 1235-3 du Code du travail pour décider qu’il fallait respecter une proportionnalité entre le préjudice subi et l’indemnisation, celle-ci devant donc s’apprécier « in concreto ». Le juge doit avoir toute latitude pour « individualiser le préjudice » même si le barème ne porte pas une atteinte « disproportionnée » aux droits fondamentaux.

Or, dans ce cas d’espèce, les juges n’ont pas procédé à ce contrôle in concreto dans la mesure où le salarié n’a « sollicité qu’un contrôle de conventionnalité in abstracto et non in concreto ». En agissant de la sorte, la Cour d’appel de Reims a donc semblé ouvrir une brèche théorique dans l’application de ce texte.

La Cour d’appel de Paris vient de préciser, sur le visa de l’article 10 de la Convention OIT 158, que «  la mise en place d’un barème n’est pas en soi contraire aux textes visés par l’appelant et les syndicats intervenants volontaires, imposant aux Etats, en cas de licenciement injustifié, de garantir au salarié « une indemnité adéquate ou une réparation appropriée », le juge français dans le cadre des montants minimaux et maximaux édictés sur la base de l’ancienneté du salarié et de l’effectif de l’entreprise gardant un marge d’appréciation ».

Pour les juges parisiens, les limites minimales et maximales posées par l’article L.1235-3 permettent d’offrir une réparation « adéquate ». Les juges apprécient les éléments de faits afin d’ajuster le préjudice au sein de ce barème.

Cet arrêt est donc dans la continuité des deux avis précités rendus par la Cour de cassation validant le barème en retenant que le texte qui fixe un barème applicable à la détermination par le juge du montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est compatible avec les textes internationaux.

Contrairement à la Cour d’appel de Reims qui laisse au juge l’appréciation de l’adéquation ou du caractère approprié en dépit du barème, donc le cas échéant en le dépassant, la Cour d’appel de Paris ne semble donc ouvrir aucune brèche puisqu’aucune dissociation n’est envisagée selon l’appréciation « in abstracto » et « in concreto »

Dans le cas d’espèce, l’indemnisation a été fixée à 13 mois de salaire (alors même que le barème lui permettait d’octroyer 13,5 mois) considéré comme adéquate alors même que le salarié, cumulant 16 années d’ancienneté au moment de la rupture, est âgé de 45 ans et justifie d’une situation de chômage indemnisé pendant 15 mois puis du suivi d’une formation rémunérée.

Il résulte de ce qui précède que le demandeur a toujours l’obligation de rapporter l’existence de son préjudice réel afin d’obtenir une réparation en adéquation avec son préjudice.

Le préjudice du salarié varie en fonction de différents critères tels que l’ancienneté, l’âge du salarié, l’activité du bassin d’emploi mais également avec la durée nécessaire pour son retour à l’emploi.

Plus la période sans emploi consécutive à la rupture du contrat de travail est longue plus le préjudice pourrait être important.

Dans la mesure où le préjudice sera apprécié par le juge au jour de l’audience du jugement, il est possible que le quantum dudit préjudice soit concomitant à la durée de la procédure liée à l’encombrement de la juridiction.

A titre illustratif, si deux salariés ayant la même ancienneté saisissent deux Conseils de prud’hommes différents (du fait de la compétence territoriale), l’un pourrait justifier d’un préjudice plus important que l’autre du seul fait du délai d’audiencement des tribunaux. Si les 2 salariés ne retrouvent pas d’emploi durant l’ensemble de procédure judiciaire, l’un d’entre eux serait moins indemnisé du fait d’une justice plus rapide.

Il résulte de ce qui précède qu’une appréciation « in concreto » pourrait aboutir à des différences de traitement non justifiées.

A l’inverse, le barème fixant un maximum lié à l’ancienneté du salarié lorsque la condamnation intervient plusieurs années après le licenciement, suivant une longue durée de chômage, ne prendra pas en compte alors dans ce cas en considération la totalité du préjudice. Il s’agira de fait d’une appréciation « in abstracto »

A l’instar des Conseils de Prud’hommes, des divergences demeurent également au niveau des Cour d’appels. Une décision de la Cour de cassation est attendue, espérons-le à bref délai ?

La Garanderie Avocats continuera à vous tenir informé des avancées judiciaires de cette appréciation qui, à coup sûr, ont un impact sur l’appréciation de quelques situations individuelles dans l’entreprise.

le 12/11/2019

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