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Mar 2017
17
Port du voile au travail : le Vademecum par la Cour de Justice de l’UE du 14 mars 2017
L’interdiction du port du voile est une liberté de l’entreprise à la condition d’avoir clairement établi que c’était une exigence professionnelle et déterminante. Le règlement intérieur peut régler pour partie cette question. Cela résulte de la conjugaison de deux décisions récentes de la Cour de Justice de l’Union européenne concernant la France et la Belgique (arrêts du 14 mars 2017, C 188/15, C 157/15).
La question de la tenue religieuse en entreprise est un sujet qui génère de nombreux débats. La France est attachée à la laïcité et particulièrement sensible à la liberté des femmes.
Sans doute échaudée par l’affaire Baby-loup, la Cour de Cassation, saisie une nouvelle fois sur la question du port du voile au travail à la suite d’une décision de la Cour d’Appel ayant accepté le licenciement pour ce motif, a hésité à trancher et a donc renvoyé la question à la CJUE par le biais d’une question préjudicielle.
En l’espèce, une salariée voilée a été engagée par une société de prestations informatiques. Cette embauche était consécutive à un stage pendant lequel l’intéressée, de confession musulmane, avait porté d’abord un bandana puis un voile. Néanmoins, elle avait été avertie dès l’origine par l’employeur qu’il pourrait être ponctuellement amené à lui demander d’ôter son voile pour des missions spécifiques en contact avec la clientèle. Au cours d’une mission dans le cadre de son contrat, un client a fait valoir qu’il ne souhaitait plus que la salariée intervienne voilée dans ses locaux car cela choquait ses propres salariés. L’employeur a donc demandé à sa collaboratrice de bien vouloir ôter son voile à l’avenir lorsqu’elle interviendrait chez ce client, en faisant valoir la nécessaire discrétion quant à l’expression d’options personnelles à l’égard de certains clients. La salariée ayant refusé, son employeur l’a licenciée.
Il était donc demandé à la Cour de Justice de l’Union Européenne d’examiner si la volonté de l’employeur de tenir compte des souhaits d’un client de ne plus voir les services assurés par une travailleuse portant un foulard islamique constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante au sens de la directive du 27 novembre 2000 relative à l’égalité de traitement (n° 2000/78/CE).
La Haute juridiction a d’abord examiné si le licenciement était fondé sur le non-respect d’une règle interne prohibant le port visible de signes de convictions politiques, philosophiques ou religieuses objectivement justifiée par la poursuite d’une politique de neutralité et si celle-ci était appropriée et nécessaire.
Ayant constaté l’absence d’une telle règle, elle examine si la volonté de l’employeur d’accéder au souhait du client pour ce motif de port du voile pouvait caractériser une exigence professionnelle essentielle et déterminante (l’article 4, paragraphe 1 de la directive autorisant une discrimination dans ce cas précis).
La Cour répond par la négative à la question telle qu’elle lui a été posée et se réfère à la jurisprudence qui renvoie à l’exigence objectivement dictée par la nature ou les conditions d’exercice de l’activité professionnelle et non par des considérations subjectives concernant des souhaits particuliers.
La Cour de Cassation devra désormais trancher ce cas d’espèce dans le respect de la décision de la CJUE. D’autres juridictions nationales devront s’y conformer dans des cas similaires.
Cet arrêt, qui reprend l’avis de l’avocat général, contraste avec celui concernant la Belgique, qui, sans être contradictoire, est complémentaire et éclairant (Affaire C- 157/15, C4S Secure Solutions).
La CJUE énonce en effet que l’adoption d’une règle interne à l’entreprise interdisant aux salariés de porter sur le lieu de travail des signes visibles de convictions, politiques, philosophiques ou religieuses ou d’accomplir tout rite qui en découle n’instaure pas de différence de traitement directement fondée sur la religion ou sur les convictions au sens de la directive.
La volonté d’un employeur d’afficher une image de neutralité vis-à-vis de ses clients est donc considérée comme légitime et surtout non discriminatoire, ce souhait se rapportant à la liberté d’entreprise reconnue par la Charte de l’UE et revêt, en principe, un caractère légitime notamment lorsqu’il s’agit de travailleuses en contact avec le client. La CJUE considère dès lors comme fondé en son principe le licenciement d’une salariée voilée pour non respect du règlement intérieur de l’entreprise instaurant cette obligation de neutralité, alors que ce règlement intérieur, substituant l’usage de l’entreprise a été adopté en réaction à la demande de la salariée de désormais porter le foulard, pris avant son licenciement.
On peut penser que la position de la CJUE laisse entendre qu’il serait plus légitime pour un employeur d’interdire toute manifestation extérieure religieuse plutôt que d’adopter une position, plus ouverte, visant à permettre aux collaboratrices de porter le foulard islamique sauf dans certains cas particuliers justifiés par des impératifs d’image de neutralité à l’extérieur, autrement dit, dans les relations avec les clients.
Pour la Cour, c’est une analyse fine de la discrimination indirecte. La différence peut être objectivement justifiée par un motif légitime si les « moyens de réaliser cet objectif étaient appropriés et nécessaires ».
Il convient donc d’être extrêmement prudent dès qu’une situation de nature proche se présente. La règle interne ne règle pas définitivement la question.
Si le principe de neutralité de l’entreprise est admis, la règle interne (comprendre règlement intérieur en France) doit être apte à assurer son application à condition que la politique de neutralité soit poursuivie de « manière cohérente et systématique ».
Dernière condition : l’interdiction doit être strictement nécessaire pour atteindre le but poursuivi.
Dans la réalité, on constate que souvent, l’employeur qui fait preuve de tolérance et de respect quant à l’exercice de sa religion par le salarié peut être amené à tolérer certaines pratiques et à ne prendre des mesures que si celles-ci s’intensifient et lui semblent alors dépasser une limite qu’il est bien souvent seul à apprécier. Tel est le cas par exemple d’un employeur qui serait prêt à accepter le port d’un joli foulard coloré et qui en revanche refuserait le port d’un voile marron qu’il estime renvoyer à d’autres signes.
La CJUE nous rappelle qu’une telle appréciation est impossible et qu’il faut, soit accepter et prévoir, dans un tel cas, traiter de manière identique toutes les religions et tous les salariés sans exception ponctuelle, fussent-ils contraints par un contact avec les clients si cela apparait comme une « exigence professionnelle essentielle et déterminante », soit choisir clairement d’afficher une image de neutralité au nom de la liberté de l’entreprise impliquant une attitude stricte quant à l’interdiction de toute manifestation de signes religieux nécessaire pour atteindre le but poursuivi.
Espérons que les inspecteurs du travail, appelés en France à vérifier les projets de règlements intérieurs, adopteront une appréciation conforme à celle de la Cour de Luxembourg quant à la légitimité et la proportionnalité de l’objectif recherché, expression de la liberté de l’entreprise.
Justine Godey